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Dossier « La presse parallèle », in L’Aminoir n° 2 (mai-juin 1980)

« L’Aminoir »

[anonyme]

vendredi 20 mai 2016


Un journal ça part de l’initiative et de la volonté d’un groupe de personnes mettant en place un moyen d’expression et ça meurt par la lassitude des rédacteurs, les dettes… En fait, ce qui est important c’est le présent, c’est la prise de parole et à quoi elle correspond dans nos luttes, nos récoltes… Le moyen journal, c’est donc une certaine organisation, de l’administratif toujours trop, des moyens techniques et financiers toujours pas assez.

L’Aminoir est né de l’initiative de quelques personnes refusant de s’enfermer dans le ghetto du dogmatisme ou dans l’organisation (celle qui a toujours raison). Pour cela nous aspirons à créer un lieu d’expression, de pratiques et de réflexions anti-autoritaires qui ne soient pas forcément le fait de « militants » reconnus. Ainsi aujourd’hui, notre démarche comporte toutes les hésitations qui en résultent : croire au lecteur (utopique va !), s’exprimer soi-même en pensant être compris (idéalsite), aller chercher l’information (volontariste)… le tout enveloppé dans le reproche de n’être pas clair, trop local, pas assez global ou l’inverse.

De l’administratif, beaucoup trop

Un canard c’est décidément beaucoup de papier. On peut rappeler brièvement les démarches à accomplir : après avoir trouvé titre et sous-titre (« L’Aminoir », « Journal d’expression libertaire de la région Nord-Picardie »), on se doit de désigner un directeur de publication qui aura l’avantage d’être, outre la cible juridique, mais aussi quelqu’un de populaire qui verra son cas traité par ces messieurs des Renseignements Généraux (bien le bonjour). Denis Langlois conseille dans son bouquin Le Nouveau guide du militant de choisir pour cette fonction une personnalité (ex. Jean Solparte) qui fera peur aux flics. Nous, pas de chance, Jean était malade et Mesrine… Il faut choisir aussi un imprimeur (Véré) qui aura les mêmes égards que le directeur de publication, mais avec le fisc en plus, une périodicité (bimestrielle pour l’instant).

Ceci fait, rappelons brièvement les démarches à accomplir en vu de la parution d’un mensuel :
—  déclarer la publication au tribunal de grande instance (pour Lille, Parquet du procureur de la République 59034 Lille cedex)
—  faire une demande d’inscription à la Commission paritaire des publications et agences de presse sur un dossier qu’on aura retiré au préalable à la même adresse : CPPAP 69, rue de Varenne 75700 Paris
—  effectuer les dépôts légaux (préfecture, greffe du tribunal, Bibliothèque nationale…)
—  demander la réduction postale à la Poste (toujours pour Lille : Direction départementale des postes et télécommunications, 1 rue d’Inkerman 59035 Lille cedex.

Vu le temps que prennent ces diverses opérations (1 à 2 mois) et qu’il faut posséder un numéro du journal pour commencer le labyrinthe, on aura intérêt à sortir un n° 00 dès qu’on a l’idée de faire un journal, celui-ci étant uniquement consacré à la publicité par exemple. Pour le détail, je crois que ce qu’il y a de mieux à faire ici est de citer Le Catalogue des ressources paru chez Alternative.

Des moyens techniques et financiers : toujours pas assez

Ainsi, le journal pourrait sortir à un détail près : les sous. L’Aminoir coûte à chaque numéro environ 1 200 F. C’est actuellement un journal déficitaire et ce, malgré son prix assez élevé (4 F). Pourtant, on pourrait supposer qu’avec 700 exemplaires tirés, c’est 2 800 F qui rentrent à chaque numéro. En fait, vu le pourcentage laissé aux organismes de diffusion (environ 35 %), les invendus (environ 1/4), les non-payés… si on n’opère pas une surveillance constante (de la paperasse encore : comptabilité diffuseurs, abonnés…) on a de grandes chances de ne pas arriver à tout juste survivre (voir la fin de nombreux canards). La grande presse fait du fric avec l’information, pas la petite (si encore on était financé par Moscou ou la CIA, mais là, rien).

L’Aminoir a, du point de vue technique une certaine autonomie ; en effet, nous intervenons à toutes les étapes de composition du journal :
—  La frappe (c’est certainement le boulot le plus chiant) on tape en colonne sur 30 caractères, ce qui facilite la composition.
—  La composition : on découpe et on colle les articles en recherchant des illustrations puis on met les titres au Letraset ; on encadre au Rotring ce qui éclaircit le texte et facilite la lecture.
—  L’impression : L’Aminoir a la chance de pouvoir disposer d’une offset, ce qui fait que nous pouvons prendre en charge totalement l’intérieur du journal (ce qui pour le premier numéro n’a pas toujours donné de bons résultats, mais comme le dit ma grand-mère, c’est en forgeant qu’on devient forgeron ! bof !) la couverture étant tirée chez un talentueux imprimeur.
—  Le pliage et le collage : c’est long ; il vaut mieux être beaucoup.

Voilà donc ne bref quelques aspects du journal. On aurait pu parler aussi du problème de la diffusion du journal, du fonctionnement de l’équipe, mais nous n’avons pas encore sur ces points, une position stable. D’ailleurs, les aspects développés ici sont particuliers. Il est plus que probable que nous n’utilisons pas toujours les meilleures méthodes, mais cela peut servir justement à amorcer un échange entre journaux parallèles ou à une information qui pourrait permettre au lecteur de participer à son expression.