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Dossier « La presse parallèle », in L’Aminoir n° 2 (mai-juin 1980)

Les « Flamands osent » déposent leur bilan !

[anonyme]

vendredi 20 mai 2016


[Les coupures sont celles présentent dans l’article original]

L’idée d’un journal vit le jour dans un groupe libertaire qui ne fit pas long feu par incompatibilité de caractères, peu propice à une démarche collective. (…)

Schématiquement, le genre de problème qu’on a eu à affronter — et qu’on retrouva d’ailleurs dans l’expérience du journal qui avait précisément pour but de les résoudre — se présente ainsi : d’abord, le sempiternel clivage entre les « silencieux » et les « éloquents » (mais ça, c’est pas propre à nous), l’impression de tourner en rond, l’opposition entre les « individualistes » et les « collectifs », entre les intellos et les manuels ; et puis peut-être, un certain manque de confiance entre certains d’entre nous, voire de méfiance, qui bien sûr ne se dit pas en milieu anarchisant, mais n’en demeure pas moins, … ce qui amène aux incompatibilités de caractère : « On s’entendra jamais, c’est pas la peine de continuer ! » (…)

Le premier numéro avait pour thème l’abstention, thème circonstanciel puisque nous nous trouvions à l’époque des législatives, mais aussi parce que la sensibilisation des gens était propice, pensions-nous, à un meilleur accueil de notre projet. Et la campagne de publicité fut lancée ! Une quarantaine de personnes répondirent à notre appel (…) La discussion fut riche, mais n’ayant pas suffisamment mis l’accent sur « Autoritaires s’abstenir », (…) nous nous retrouvâmes à tout au plus neuf dingues pour prendre à bras-le-corps ce journal, et encore pas toujours. (…)

Ce qui est à retenir, c’est que le projet piétinait, qu’on avait l’impression de prêcher dans le désert et surtout qu’on n’entrevoyait pas le moyen d’en sortir. D’où la question abyssale : ce journal avait-il un sens ? Ne nous servait-il pas qu’à nous faire plaisir, à rêver une réalité ? Libérer la parole, l’expression, d’accord, mais pourquoi éprouve-t-on autant de mal à sortir des articles, le journal ? On voulait que les autres dialoguent entre eux (par l’intermédiaire du journal) et nous, nous en étions incapables ! (sinon chacun dans son coin). On en est même arrivé à se demander pourquoi…, voire à envisager des techniques psychologiques (psychodrame) c’est dire ! (…)

Arrivé à ce stade, le laisser-aller aidant, on ne parvint pas à sortir le 3e numéro, bien que pas mal d’articles soient déjà arrivés et qu’il fut en bonne voie de réalisation.

Pour tenter d’y voir clair, on [a] décidé de poser le problème autour d’un bon repas, à la veille des vacances de 78, à la façon mao ! On pensait que cela permettrait peut-être de libérer les blocages de chacun d’entre-nous, ou du moins de dire franchement ce que nous pensions et attendions d’un journal, en somme si on y croyait. Eh bien, même là, néant. Est-ce à cause de la disposition de la table (rectangulaire), d’un copain qui était malade, du choix des mets (coquillages), de la disposition des convives, on ne sait ! (…)

Nous en sommes là. Ce projet n’est pas abandonné, disons qu’il est suspendu, mais pour le moment nous ne voyons guère de perspectives. Il faudrait que la situation se débloque, que nous repartions sur d’autres bases.