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Police, justice (?), armée

avril 2001


Ça y est ! La croissance repart, entrainant une hausse du pouvoir d’achat et une baisse des chiffres du chômage. D’ailleurs, ce n’est pas un scoop, les médias ne cessent de nous rappeler les bons résultats du gouvernement en matière d’emploi.

Pourtant, parler de baisse des chiffres du chômage ne veut rien dire. Ces résultats, qu’on martèle à longueur de journée, ne prennent pas en compte une multitude de situations : les stagiaires, les chômeurs rayés des listes et beaucoup d’autres qui ne rentrent pas dans les chiffres officiels. par ailleurs, sortir du chômage ne signifie pas sortir de la précarité. Combien de situations dites de salariat ne sont en réalité que des caches-misère (intérim, formation, emplois-jeunes de Mme Aubry...). Et si le gouvernement décidait qu’à partir d’une heure de travail par semaine on n’est plus chômeur ? Après tout, c’est en partie comme ça qu’aux États-Unis on est arrivé à 4 % de chômeurs.

On le voit, les chiffres ne sont pas des données scientifiques, comme le laissent insidieusement croire les médias. Un chiffre est le produit d’une définition : choisir sa définition, c’est choisir ses résultats. De la même manière, le choix des mots influence notre perception de la réalité. Par exemple, depuis le drame de Douvres où 58 « clandestins » ont trouvé la mort, on retrouve le terme « clandestin » plutôt que « sans-papiers ». Cette substitution n’est pas innocente, de même que le glissement de l’expression « quartier en difficulté » à celle de « quartier difficile ».

Par ces différentes manipulations sémantiques et statistiques, l’action de l’État peut se limiter à la simple « gestion de dossiers ». Un quartier en difficulté nécessite une prise de position politique ; quand il devient quartier difficile, il ne reste plus qu’à envoyer la police. S’attaquer uniquement aux conséquences du problème évite de parler de ses causes (misère sociale, économique, culturelle...). La victime du dysfonctionnement du système - présenté pourtant comme n’ayant pas d’alternative - devient alors l’ennemi à combattre.

L’État se désengage du politique, sa principale raison d’être. Ce désengagement est flagrant dans la prise de position du gouvernement par rapport à l’offensive antisociale du MEDEF (sur la question des salaires, de l’indemnisation et la « gestion » du chômage et des retraites) qui consiste à renvoyer dos à dos les organisations patronales et syndicales sous couvert de paritarisme. Le champ de l’action politique se réduit donc de plus en plus, laissant les lois du marché organiser la société. L’État ne conserve plus que quelques tâches élémentaires : police, justice (?), armée. Pourtant la politique reste toujours affaire de spécialistes et le gouvernement n’a de comptes à rendre à personne. Ceux qui se risquent à faire entendre leur voix ailleurs que dans les urnes ne trouvent pour seul interlocuteur que la police. Or l’exemple du « syndrome vigipirate™ » prouve que le déploiement massif des forces de l’ordre provoque un phénomène d’accoutumance : qui est choqué aujourd’hui par la présence de militaires armés dans les gares ?

C’est ce qu’ue l’on appelle la logique sécuritaire, ou si vous préférez, l’État policier. On commence par dire qu’il ya des menaces, et on les identifie. À l’intérieur de nos frontières, la menace vient de « quartiers difficiles », de manifestants, ou des nombreux mécontentements qu’il faut canaliser. À l’extérieur, c’est le Sud, qui n’attend qu’une chose : prendre nos emplois et manger notre pain.

Heureusement la police est là ! Elle se montre, on la voit, on la craint : c’est de la prévention. Mais elle agit aussi. Elle fiche, elle arrête, elle expulse : c’est de la répression. Les méthodes les plus scandaleuses qu’elle utilise, communément appelées « bavures » », sont la plupart du temps passées sous silence. La police est la réponse à tous les maux. Le débat se réduit à une simple question : plus de sécurité.

Ne rien faire, c’est laisser croire que l’on accepte.

Anne, Étienne, Manu, Nico, Pierred