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Pas d’pichon pour Rungis

mercredi 11 juin 2003


Boulogne sur Mer : L’intersyndicale avait mis au programme de la journée du 10
juin le blocage de Capécure. A Capécure sur le port de Boulogne plus de 6 000
personnes travaillent pour la marée.

De 5 heures du matin à 15 heures les
camions font la navette pour alimenter en produit de la mer le marché de
Rungis. L’idée des grévistes était d’attaquer là où ça fait mal : le porte-monnaie.

Les Dockers ont été les premiers à mettre les barrages en place vers minuit. Nous étions en train de coller lorsque nous avons vu la fumée des barricades de pneus. A 6 heures du matin quelques enseignants viennent sur les barrages relevés les camarades. Il y a également des cheminots, des ouvriers de marée
(dont une partie de non grévistes : ils occupent avant ou après leurs postes).
Les 5 accès au port de Boulogne sont bloqués. On laisse entrer les camions mais toute sortie est impossible.

Neuf heures trente manifestation en centre ville : 2 500 personnes selon la
Voix du Nord. Peut être plus. Alors que la manif devait rejoindre le quartier
de la marée et qu’un militant de la CFDT Marée nous appelle pour avoir des
renforts au rond point de la Glacière, la tête du cortège CGT part en divaguant dans le centre ville. Nous ne sommes qu’une poignée à venir renforcer les
barrages. La détermination des ouvriers de marée est impressionnante. La fumée
des pneus indique que les barrages tiennent toujours. Premier incident, un
patron de marée connu pour sa politique sociale musclée tente de forcer un
barrage. Dommage pour sa Mercedes... Maintenant elle va rouler moins bien.

Une rumeur courre Capécure, les camions vont forcer le blocus à 12 heures, à 13 heures à 14 heures. Ce qui est sûr c’est que la grève n’est pas générale et qu’on travaille dans les magasins de marée. Vers 13 heures première vague
d’assaut. Les flics de Boulogne ont revêtu leurs tenus anti-émeute. Le
commissaire lance les sommations au rond point de la Glacière. Manque de bol
pour eux le vent nous est favorable et une colline pleine de cailloux les
surplombe. Quelques occupants se placent là. Petit à petit des renforts nous
arrivent. Nous étions vingt à 11 heures nous sommes maintenant une
cinquantaine. Les flics avancent nous repoussent avec leurs boucliers (pas de coups échangés) au delà de la barricade. Nous sommes au milieu du rond point.
Les pompiers venus avec les cognes éteignent le brasier.

Honneurs au boulonnaises : Dans le face à face qui suit le démantèlement de la
barricade, les camions se préparent à partir. Des ouvrières de marée posent des
planches à clous sous les roues. Les chauffeurs ont compris le message et
n’insistent pas. Les hommes interpellent les flics qu’ils connaissent et à
plusieurs reprises se mélangent à eux ce qui oblige le commissaire à faire
reculer ses troupes pour prendre de la distance. Finalement ils retournent à
leur point de départ. Nous reconstruisons une nouvelle barricade qui est
enflammée immédiatement. Sur les autres barrages ils arrivent qu’on laisse
sortir les particuliers. Les camions ne circulent toujours pas. Certains ont
même placé leur bahut en renfort de la barricade.

A 15 heures le commissaire nous annonce la venue d’une compagnie de CRS de
Calais. Ils sont signalés devant la poste par les camarades qui tiennent le
barrage près de la douane. 15 heures trente ils prennent position devant nous.
Un groupe est chargé de nettoyer la colline en surplomb. Un paquet est envoyé
en vedette sur notre gauche. Incertitudes chez les 200 grévistes à présent
regroupés. Un rendez vous est donné en cas de dispersion : Le rond point qui se
trouve derrière les keufs. Des camarades dockers, cheminots ou mareyeurs
tentent de résister à la charge. Quelques caillasses volent. La lacrymo couvre
la fumée des pneus. Un camarade est frappé au sol, un est victime d’un tir
tendu. Les CRS nous insultent copieusement.

Nous filons à travers les camions arrêtés et rejoignons tous le nouveau point
d’occupation. Les camions sont de nouveau bloqués. Les boulonnais sont motivés
pour résister aux keufs. Et jouer avec eux au chat et la sourie de rond point
en rond point. Les CRS arrivent de nouveau. Un nouvel affrontement s’annonce
quand deus ex machina le maire ps de Boulogne ramène sa fraise. Il a avec lui
les leaders syndicaux enseignants. On t’avait pas vu avant ti !

Le deal qu’il a fait avec les patrons de la marée s’est de faire lever les
barrages. Le nôtre, qui aurait sans doute été levé dans l’indifférence
durant l’après midi, se trouve radicalisé par la répression policière. la
négociation est difficile. Très difficile d’autant que le temps travaille pour
nous : les camions ne peuvent toujours pas circuler. Finalement, le maire
obtient un barrage filtrant contre le retrait des CRS. Ils a beau essayer de
négocier les délais de passage plus importants les manifestants restent fermes.

A 18 heures nous partons, les filtrages continuent

Le soir à 10 heures, cheminots, dockers ouvrier de marée installent deux
barrages : rond point de la glacière et sur celui où nous nous étions repliés.
De nouveau les pneus et palettes brûlent. Nous faisons la navette pour les
alimenter. Il y a de moins en moins de monde pour tenir les barrages et à 4
heures du matin on va se coucher.

Quelques réflexions en vrac : 200 personnes ont suffi pour bloquer complètement
tout un secteur. Ce qui montre que les syndicats qui prétendent ne pas pouvoir
bouger faute d’effectifs nous baladent. A 400 nous aurions été beaucoup plus
efficace des délégués syndicaux allaient bosser en saluant les grévistes... Et
si tout Capécure avait débrayé on aurait même pas eu à se faire chier sur les
barrage. Il est évident que cette action a permis de souder les ouvriers du
public et du privé, que la détermination des camarades du port ou du rail a
impressionné les enseignants, alors que la durée de la grève chez les
enseignants a frappé le monde de la marée. Ce n’était hier pas un affrontement
entre flics et casseurs mais entre force de l’ordre et une partie de la classe
ouvrière. Les tactiques sont moins rodées mais les mots d’ordres sont appliqués
à la lettre.

Reçu d’un camarade de La Mouette Enragée, groupe libertaire de Boulogne sur Mer