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A Calais comme ailleurs contre toutes les frontieres et toutes les prisons

samedi 26 février 2005


Le Groupe D’Anarchistes LilloisEs (GDALE) soutient le mouvement des sans-papierEs à Lille comme ailleurs depuis ses débuts, fin 1996, en participant aux actions des sans-papierEs mobiliséEs ainsi qu’aux divers groupes non autoritaires qui se sont succédés autour des mots d’ordre de liberté de circulation et d’installation de touTEs, tels que le collectif Passons-nous des frontières. Créé en mai 2004, il tente d’agir dans la métro-pole lilloise et ailleurs (autour de Calais notamment) pour la liberté d’installation et de circulation des personnes et contre toutes les frontières. Pour ce faire, ses membres tentent de renforcer la lutte pour l’abrogation des lois racistes et la régularisation de touTEs les sans-papierEs, et contre le système répressif qui les enferme dans des centres de rétention ou autres prisons avant de les expulser.

Notre participation au mouvement des sans-papierEs s’inscrit dans une démarche d’essence politique à laquelle nous tenons, et que nous souhaitons en marge de :
 toute pitié-charité-chrétienne aux relents de colonialisme-civilisateur pourri,
 toute pratique opportuniste, électoraliste ou romantique ponctuelle liée à l’engouement médiatique, au spectacle du sang ou de “l’action pour l’action” et au goût pour l’exotisme,
 toute forme d’humanisme-droits-de-l’hommisme-altermondialisme aveugle qui s’inquièterait seulement d’”améliorer” les conditions de vie dans les “pays d’origine” en introduisant du caviar équitable dans les dîners de gala des institutions politiques internationales, plutôt que de riposter concrètement à ce qui se trame sous nos yeux : des sans-papierEs exploitéEs, pourchas-séEs, enferméEs en taule ou en rétention, puis expulséEs.

Contre toutes les oppressions

La mobilisation collective autonome des sans-papierEs représente une des modalités d’attaque frontale qui vise directement le triptyque infernal état-racisme-capitalisme :
 L’Etat parce qu’il est indissociable de l’idée de Nation et de ce qui va avec : les frontières et la peur de “l’étranger-qui-menacerait-le-bien-commun (entendez national)”
 Le racisme parce qu’il repose sur cette peur de l’autre, elle-même au principe du contrôle de l’immigration et du flicage des sans-papierEs.
 Le capitalisme parce que la main d’œuvre bon marché que procure la population de sans-papierEs à l’économie française est un argument de l’Etat comme des patronNEs pour maintenir une population sans aucun droit puis, quand elle devient hors d’usage, la jeter le plus loin possible. C’est le principe de la délocalisation sur place.

L’Etat, les patronNEs et leurs sbires (médias, administrations, écoles...) nourrissent le racisme pour légitimer un contrôle impitoyable de l’immigration permettant l’exploitation des sans-papierEs en France, sous-payéEs et licenciables à merci. Si ça ne suffit pas pour se maintenir sur le marché, qu’à cela ne tienne, les patronNEs ouvriront une antenne ou une usine hors d’occident et dégageront tout le monde, avec ou sans-papierEs. RMA pour les unEs, charters pour les autres !

Enrayons le système d’enfermement des sans-papierEs !

Cette politique d’oppression des sans-papierEs qui enfreint notre liberté à touTEs de vivre et d’aller vivre où bon nous semble repose sur un système répressif coriace, à l’image de celui qui nous coince touTEs entre les cases taule-exploitation-discrimination-chômage. Après s’être faitEs chôper pour X raisons par les keufs sans pouvoir justifier de son titre de séjour, et avant que d’autres keufs n’aient trouvé un avion/train/bateau pour les expulser, les sans-papierEs se retrouvent enferméEs dans un centre de rétention, établissement aux caractéristiques carcérales quasi parfaites : grilles fermées, barreaux, cour de promenade murée ou grillagée, horaires de visites limités, bouffe dégueulasse, surpeuplement, absence d’intimité, absence d’hygiène, flicage omniprésent et tout le tintouin.

A l’image de la politique pénale française qui, adoptant de nouveaux délits, prévoit les cages pour les futurEs déviantEs en agrandissant les prisons existantes et en en construisant de nouvelles, l’emprisonnement des sans-papierEs est sans cesse renforcé.

Sous la plume macabre de Sarkozy, bien inspiré par ses prédécesseurs de gauche, la modification récente du droit des étrangers accroît les difficultés de régularisation et le système répressif qui va avec : plus de contrôles (du métro à l’école des gaminEs de sans-papierEs), plus d’arrestations, plus de places en rétention et pour une plus longue durée (32 jours maxi au lieu de 12).

La situation calaisienne

Depuis la fermeture du camp de Sangatte, évidemment les frontières existent toujours et rien n’est réglé pour les sans-papierEs qui souhaitent aller en Angleterre, au contraire !

Fin 2002, dans la foulée de la fermeture du centre de Sangatte, le Centre de rétention de Coquelles, quelques kms plus loin, a vu sa capacité étendue de 28 à 70 places. Cette extension décidée sous la gauche s’est faite avec la complicité de la mairie par la révision du plan d’occupation des sols, le silence de l’administration, et pour le plus grand profit du bétonneur local : Norpac (filiale régionale de Bouygues).

La fermeture de la souricière de Sangatte éclaire aujourd’hui les motivations de l’extension du Centre de Coquelles. Dans l’exacte continuité politique de cette extension qui expose encore davantage les sans-papierEs à l’enfermemement (et à l’arrestation en amont et à l’expulsion en aval), la situation calaisienne est d’une exemplarité relativement inégalable de l’appareil répressif de l’Etat à l’égard des migrantEs non européenNEs, et plus généralement de toutes les personnes qui tentent de vivre plutôt que de survivre sur ce foutu territoire français (les militantEs mobiliséEs notamment).

CRS, gardes mobiles, douanierEs, PAF, képis, bobbies, BAC, renseignement généraux, vigiles et autres contrôleurEUSEs traquent, harcèlent et arrêtent les sans-papierEs sous prétexte de peur et d’insécurité. Tabassage de sans-papierEs, chasse à l’homme, check-points à triple inspection (laser/infrarouge/détecteur de CO2), mise à feu des bunkers/refuges des sans-papierEs, gazage de leurs couvertures, rondes permanentes autour des lieux de distribution des repas et couvertures, bouffe ultra-minimum, arrestations ou intimidations de militantEs, mise sous contrôle policier de l’espace public : quadrillage de la ville, traques au projecteur, patrouilles, rafles...
Ce déploiement de force trouve sa légitimation dans une politique sécuritaire prétendûment réclamée. Jeunes, pauvres, mouvements sociaux subissent également le contrôle et la répression généralisée.

Lutter ensemble...

Une part importante des personnes mobilisées sur place se retrouve en tension entre la gestion humanitaire de la crise et les logiques de compétitions ambigües des différentes organisations de gauche susceptibles de se bouger. Dans ces circonstances, difficile de s’attaquer aux sources du problème : les choix politiques des autorités locales, nationales et internationales qui vont toujours vers plus de contrôle de l’immigration, donc plus de flicage. A droite il s’agit classiquement de s’attirer les voix du FN, alors qu’à gauche il existe encore des militantEs pour spéculer sur une éventuelle attirance de la classe ouvrière calaisienne pour le vote FN à la vue des immigré-e-s dans leur ville. Encore une fois, il s’agit de privilégier coûte que coûte leur maintien au pouvoir en fonction d’une prétendue opinion majoritaire raciste.

Etant donnée leur situation de transit à Calais, il est difficile pour les sans-papierEs sur place de s’organiser. A cela s’ajoute l’absence de lieu de regroupement et d’échange où ils et elles seraient à l’abri du harcèlement policier. Enfin, le contexte politique calaisien est caractérisé par la difficulté des soutiens à se regrouper efficacement sur des revendications communes, et a fortiori à appuyer une auto-organisation potentielle des sans-papiers. Cette mobilisation pourrait développer un rapport de force pour la régularisation de ceux et celles qui souhaiteraient s’installer en France, et permettre la protection des personnes de passage à calais contre le froid, la faim et les rafles policières. Seule une convergence sur des mots d’ordre communs des sans-papierEs et soutiens en lutte à Calais et à Lille permettra de mettre en pratique cette perspective de lutte à même de creuser la brèche qui nous amènera à l’abolition des frontières et des papiers !