Accueil > archéologie:alternataire > La Sociale (2002-2012) > 26 (juin 2008) > Cuba finalmente libre ?

Cuba finalmente libre ?

lundi 23 juin 2008


Le 19 février 2008, Fidel Castro déclare dans un discours qu’il ne prendrait pas en charge les postes de président du conseil d’État et de commandant en chef. À 81 ans et après 49 ans d’exercice du pouvoir à la tête de l’unique parti autorisé, le dinosaure communiste passe le flambeau à son Raúl de frère (ministre de la défense depuis un demi siècle ) et à l’unisson, la presse internationale professe une transition démocratique (certains médiats français ont même préféré le terme de libéralisation).

Faut-il encore le rappeler, le régime cubain est communiste-autoritaire, nationaliste et qui plus est, dictatorial. Depuis 1959, la répression s’abat sur les opposants de tous bords et l’armée quadrille le pays : dès 1960, les anarchistes, qui s’opposaient aux premières mesures autoritaires de Fidel Castro, furent victimes de la répression. Leurs organisations furent dissoutes, les militants furent persécutés, exécutés, emprisonnés ou contraints à l’exil . La même année, l’Association Syndicaliste Libertaire de Cuba publiait un manifeste mettant en garde la population face à la mise en place du régime socialiste et appelait la population à se saisir de la révolution. 43 ans plus tard, le réseau anarchiste mondial en était encore à créer un « comité » de soutient aux libertaires Cubain : non, la répression n’a pas disparu !

Beaucoup de compagnons ont préféré fuir le pays. C’est le cas de Canek Sanchez Guevara (Guevara ?) petit fils d’un logo de tee-shirt qui est membre du MLC (Mouvement Libertaire Cubain) et réside au Mexique. Il nous fait des révélations fracassantes dans une interview donnée en 2006 : les homosexuels, punks, libres-penseurs, syndicalistes, poètes, etc. ne sont pas les bienvenus à Cuba ! Même au Mexique il est confronté aux pressions de la gauche devant ses positions face au régime castriste. Il décrit le système mafieux qui existe à Cuba avec l’assentiment de l’État, les dérives capitalistes, bourgeoises et bureaucratique du pays. Les longues années de dictature et l’embargo américain ont laissé un pays dans la misère (manque d’aliments, agriculture en ruines, systèmes de transport vétustes, précarité, alimentation en eau déficitaire…), des travailleurs las et une jeunesse dégoûtée de toutes les idéologies. Le matraquage du dogme communiste étant permanent (à l’école, au travail, à la télé, la radio…), la population rejette peut à peut l’idée socialiste et s’expose à l’arrivée d’un capitalisme sauvage qui ferait le grand bonheur des États-Unis.

Pour l’instant, le mouvement anarchiste est privé de tout moyen d’expression (20 ans de taule pour qui blasphème sur le régime « socialiste ») et donc ne pèse pas lourd. Face à l’union de la gauche latino et à l’impérialisme américain, les anarchistes cubains refusent toujours la situation bilatérale de la guerre froide.

Une autre difficulté importante s’oppose au développement du mouvement libertaire Cubain : comme au Venezuela, on parle d’autogestion au gouvernement, et comme au Venezuela cela ne prédit pas des lendemains qui chantent. Le MCL en exil affirme qu’il s’agit là d’une belle supercherie qui rappelle notre démocratie participative et qui ne préfigure en rien une généralisation de ce mode d’organisation. De plus, ils rappellent que l’autogestion demande sa propre économie et qu’elle ne s’utilise pas à petite dose comme on peut utiliser une coopérative en système capitaliste. L’autogestion à Cuba si le gouvernement la développe ne sera qu’un tour de passe passe permettant à Raúl Castro s’il se maintient de redorer son effroyable image auprès de la population.

Le mouvement anarchiste Cubain n’a pourtant pas toujours été tapis dans l’ombre : au cours de la guerre coloniale à Cuba (1895-1904), les camarades cubains, cubaines et leurs syndicats entrèrent dans les forces armées séparatistes et firent de la propagande auprès des troupes espagnoles. Avec cela les actions antimilitaristes des espagnols permirent de nombreuses mutineries. En 1892, l’Alliance ouvrière cubaine recommanda aux ouvriers cubains de rejoindre les rangs du socialisme révolutionnaire et envisagea la transformation de la révolte anticoloniale en révolution sociale. En Espagne en 1897, l’anarchiste Michele Angiolillo assassina le président espagnol Canovas. Il déclara avoir agi tant pour venger la répression contre les anarchistes en Espagne que pour répliquer aux atrocités commises par l’Espagne dans les guerres coloniales.

L’un de leur grands combats aura aussi été d’unifier le mouvement ouvrier blanc et noir et l’une des premières grèves de l’Alliance ouvrière en 1889 réclamait le droit pour les afro-cubains de travailler comme les autres.

Aujourd’hui, les anarchistes ne représentent plus une force majeure du mouvement ouvrier Cubain mais la défaite du communisme autoritaire et la méfiance vis à vis du capitalisme pourrait permettre à un peuple qui n’a toujours pas goutté à une véritable révolution d’envisager une troisième voie.