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La mairie de Lille ouvre la chasse aux SDF

avril 2001


La mairie de Lille est choquée par des scènes scandaleuses qui se déroulent en plein centre ville : des hommes et des femmes qui dorment sur les trottoirs en plein hivern, dont la plupart souffrent d’alcoolisme et qui, par manque d’alternative, urinent à la vue des passant-e-s.

La mairie a décidé de remédier à ce problème inconvenant. Va-t-elle confisquer des appartements laissés vides pour la spéculation et y loger les sans-abris ? Va-t-elle mettre à disposition des installations sanitaires pour leur permettre un minimum d’hygiène ?

Loin d’elle cette idée ! Ce n’est pas vraiment la misère des sans-abris qui scandalise la mairie. Elle est plutôt préoccupée des plaintes de commerçants du centre ville, qui considèrent que la présence des sans-abris nuit à leur chiffre d’affaire. Au lieu de combattre la pauvreté, la mairie combat les pauvres ! Elle a fourni un outil efficace à ses forces de l’ordre pour expulser les sans-abris du centre ville : un arrêté municipal prévoyant une amende de 75 FF pour consommation d’alcool sur la voie publique dans l’« hypercentre » (La Voix du Nord, 19/10/2000, « L’hypercentre, c’est le centre du centre. Cela n’existe qu’à Tokyo, New-York et Lille. »)

Il ne s’agit évidemment pas d’une initiative pour limiter l’abus d’alcool (problème de société chronique en France, et surtout dans le Nord). Sur les terrasses des cafés, on continuera à se saouler en toute légalité, à condition d’avoir assez d’argent. D’ailleurs, la mairie ne cache pas que l’arrêté s’adresse en première ligne aux sans-abris. « Il s’agit d’abord d’inciter les SDF à changer de comportement », explique, à La Voix du Nord, Paul Dufour, responsable municipal de la réglementation. Depuis longtemps, l’alcoolisme est reconnu comme maladie. En interdisant la consommation d’alcool aux alcooliques, la mairie criminalise les manifestations d’une maladie. Suivant la même logique, elle pourrait aussi prohiber la couleur jaune des hépatiques ou les yeux rougis des allergiques. Du moins en centre ville… Cet arrêté incarne l’hypocrisie de la société capitaliste qui ne supporte pas la visibilité de cette pauvreté qu’elle produit pourtant tous les jours. Au lieu de chercher des solutions aux problèmes sociaux, la mairie se contente de les cacher et de les rendre invisibles, au moins dans les quartiers aisés et dans le centre ville.

L’objectif de la mairie est la transformation de Lille en ville lisse, propre et moderne, une ville où rien ni personne ne gène le bon fonctionnement du commerce. Avant de toucher les sans-abris, la politique d’expulsion et de répression s’était attaquée au mouvement squatter et à celui des sans-papiers. À nous de rappeler à la mairie que la ville et son centre ne sont pas la propriété des commerçants ni des hommes d’affaires, ni des politiciens municipaux mégalomanes. La ville, c’est l’ensemble des habitant-e-s ; elle appartient à toutes et à tous !!! y compris aux squatters, aux sans-papiers et aux sans-abris. Le Collectif des Sans a déjà organisé plusieurs actions contre cette honteuse politique de ségrégation sociale, dont la plus spectaculaire était sans doute la consommation collective et symbolique d’alcool sur la Grand place. Dix manifestant-e-s ont été arrêté-e-s, six ont reçu une amende de 75 FF, ce qui a permis d’attaquer l’arrêté municiapl devant les tribunaux. On peut d’ailleurs se demander si la mairie a vraiment intérêt à effacer tout ce qui fait la singularité et le caractère de Lille. L’architecture actuelle des centres villes contribue à uniformiser le visage des grandes villes de province. Face à toutes ces villes jumelles, il est évident que les hommes d’affaires et les touristes vont choisir Lille, à cause du soleil.

Martin Zumpe (GroMéLiFA)