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La prison détruit nos vies... Détruisons les prisons !

vendredi 23 janvier 2004


Les tortionnaires du CD de Maubeuge

En août 2002 au centre de détention de Maubeuge, un détenu est arrosé à la lance à incendie et laissé nu pendant vingt-quatre heures, transi et couvert d’ecchymoses, dans la cellule inondée. Un autre, tabassé, a le bras fracturé. Un troisième se fait casser les doigts. Par ailleurs, des membres du personnel font état de harcèlement. Une plainte est déposée pour ce motif en mars. Un surveillant se suicide au cours de ce même mois d’août. En décembre 2002, un détenu de 23 ans écrit à l’OIP (observatoire international des prisons) : à la suite d’une permission de sortie dont il n’est pas rentré comme convenu, il s’est vu proposer un "marché" par l’un des premiers surveillants exerçant la fonction de chef de bâtiment. "Si je voulais travailler et récupérer mes grâces, il fallait que je dénonce celui qui possédait un portable et les personnes qui sont en possession de cannabis", écrit-il. Après qu’il ait refusé ces propositions, on rejette ses demandes de travail. En janvier 2003, puis en mars, deux autres prisonniers témoignent auprès de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), des conditions d’enfermement qu’ils subissent : L’un évoque le chantage par le même maton pour qu’il dénonce des détenus qui ont un portable ou du cannabis, faute de quoi ses demandes de perme et de conditionnelles sont rejetées. L’autre fait état des passages à tabac de détenus par plusieurs matons tuant certains prisonniers ainsi que de l’interception de tous ses courriers, y compris ceux destinés au procureur et au juge d’application des peines.

Mêmes certain-e-s maton-e-s s’insurgent de la situation et décrivent comme tout-puissant le groupe constitué autour du chef de détention. Il est également accusé de harceler les personnels, féminins en particulier.

En plus d’être sadique et sexiste, évidemment, le nouveau chef de détention et son équipe ne manquent pas les agressions racistes. En octobre 2002, alors que le chef de bâtiment, peu après son arrivée, venait de lui supprimer l’accès aux ateliers vidéo et musique que Karim animait, ce dernier est tabassé sans motif par 5 matons. De retour des urgences (hématomes, strangulations, épaule déboîtée), on lui refuse l’attelle prescrite ainsi que l’assistance juridique qui lui est due. Il n’y a pas d’enquête et il se prend 15 jours de quartier disciplinaire. Présent en France depuis plus de 30 ans, il tombe sous le coup de la double peine en avril 2003.

Silence ! on emprisonne...

La plupart de ces infos sont sorties dans la presse bourgeoise en décembre 2003, soit plus d’un an après les faits. Ce délai est révélateur de l’épaisseur des murs des prisons que l’info ne franchit que dans des situations qui poussent même des maton-e-s à se révolter.

Révélatrice aussi, la réaction de la direction régionale des services pénitentiaires de Lille qui met en doute la fiabilité des témoignages de détenus, considérant qu’ils "n’ont pas d’autre objectif que d’entretenir des procédures et de saisir tout fait ou prétexte pour instaurer une relation conflictuelle". On est rassuré-e-s maintenant que l’enquête a établi que le super maton "s’applique à maintenir le calme dans l’établissement" !

Détruisons les prisons !

Si nous tenons à dénoncer les atrocités qui se produisent en taule à Maubeuge, l’enfermement partout ailleurs n’en reste pas moins insupportable. La prison n’est qu’une effroyable machine à broyer les vies.

Associer prison et réinsertion ou même amélioration du sort des détenu-e-s, c’est nier la réalité du milieu carcéral : l’enfermement et la souffrance. C’est faire accepter aux bonnes âmes cet archaïsme punitif nécessaire pour protéger les intérêts de la bourgeoisie, érigés en intérêt de tou-te-s. C’est cracher aux visages des détenu-e-s qui vivent dans un monde clos régi par l’arbitraire permanent du personnel et de l’administration pénitentiaires, où le contrôle de tout acte des détenu-e-s forme l’humiliation qui rythme le quotidien.

Nous rejetons le terme de réinsertion, qui insinue que l’on ne peut vivre à l’extérieur qu’en étant "inséré-e", c’est à dire soumis aux normes dominantes de la société actuelle. La prison n’est qu’une sanction à l’insoumission, et l’augmentation actuelle du nombre de détenu-e-s nous montre combien le maintien de la paix sociale au profit des exploiteurs coûte cher. Le travail en prison, seul outil de réinsertion envisagé, démontre l’arnaque carcérale : sa fonction est d’abord d’engraisser les patrons et de servir de moyen de pression sur des détenu-e-s sans aucun droit.

Retrouvez les luttes anticarcérales avec l’émission du collectif La Brèche, tous les 1ers vendredi du mois à 20 h sur 106.6 FM