Hors Service ne s’est pas d’abord adressé aux autres anarchistes, ce journal était justement un vaisseau pour intervenir dans les réalités sociales, notamment dans mes quartiers populaires de Bruxelles. Sa diffusion se faisait tous les mois (et pendant quelque temps, on a sorti des numéros toutes les deux semaines), à quelques milliers d’exemplaire, de main en main dans la rue. La façon d’écrire, la taille des articles, les angles d’attaque, la forme, les langages n’ont pas pris le dessus sur les idées qu’on a voulu défendre ; le journal a donc été anti-politique. Mais cela ne nous a pas empêché de saisir beaucoup mieux l’infinité des possibles du langage, tout en se heurtant aussi à ses limites. Nous croyons que cette expérience peut démentir aussi bien ceux qui prétendent qu’il n’y a plus rien à dire, que toute parole est devenue inerte et donc superflue, que ceux qui face au défi de la diffusion des idées anarchistes, se disent qu’il vaut mieux tout adapter, tout rabaisser , tout niveler afin d’accroître les chances de pouvoir jeter ce fameux pont de la communication et du dialogue. Cette dernière hypothèse est tout simplement fausse. Appliquer des procédés politique à la diffusion des idées anarchistes n’ouvre qu’une seule voie : rentrer dans les rangs dans l’"opposition critique", et ultérieurement, inévitablement, dans les girons du pouvoir. On croit pouvoir affirmer que l’expérience de Hors Service prouve qu’il reste possible de parler aux autres des idées anarchistes sans devoir les diluer, de proposer des suggestions de lutte sans faire des calculs avec le code pénal en tête, de développer ses analyses propres qui ne tanguent pas à gauche et à droite dans l’illusion d’ainsi combler le prétendu "vide théorique" des anarchistes. Il faut juste oser et ne pas avoir peur de finir sur les récifs.
Dans ce recueil, nous avons repris une sélection d’articles parus dans le journal. Il n’a pas toujours été facile d’établir les critères de choix, ni de les suivre toujours.