Quand il prend la tête de l’hôpital psychiatrique de Gorizia, aux débuts des années 1960, Franco Basaglia constate que l’institution, lieu d’exclusion social, réduit la « folie » à des paramètres purement médico-biologiques, et tend à chosifier radicalement le patient : de sujet, il devient objet, de personne à comprendre », il devient « problème à gérer ». Exproprié du sens de sa souffrance comme de sa parole, le patient, réduit au statut de « danger pour lui-même et la société », n’est plus soigné, mais simplement parqué.
Franco Basaglia, en un geste inédit et révolutionnaire, décide alors de rompre avec la structure asilaire. Son asile psychiatrique n’est plus un espace fermé, mais ouvert. Les patients peuvent librement en sortir, les proches librement les visiter. Des assemblées générales – quotidiennes et non obligatoires –, réunissent psychiatres, personnels soignants et patients, et permettent de fixer démocratiquement les règles de la vie communautaire. C’est le récit de cette expérience militante et théorique qui est republié ici, 40 ans après sa première publication, dans la nouvelle collection « Tiers Corps ».
À la façon d’un Studs Terkel, ce récit-document rassemble des témoignages de psychiatres, de personnels soignants et de patients, ainsi que des essais théoriques de l’équipe médicale de Gorizia, nous invitant du même coup à repenser la place de la folie, et celle des « fous », dans notre société.