La France semble atteinte d’un étrange syndrome, qui fait que ses frontières semblent la protéger de tous les maux. Il en a été ainsi du nuage radioactif de Tchernobyl, qui a survolé tous les pays voisins, mais qui a eu le bon goût de contourner l’hexagone. De même la crise qui touche nos amis grecs, italiens, espagnols, anglais… nous épargne étrangement, malgré quelques remous ici et là – mais on sait que nos chômeurs sont des fainéants, nos ouvriers de mauvais coucheurs, nos amis étrangers et roms des égoïstes qui n‘ont aucune reconnaissance pour les gouvernants, et nos taulards des gens de mauvaise fois.
Ainsi, d’après ce qu’on nous dit, pendant les « années de plomb », si des mouvements révolutionnaires armés se sont propagés en Allemagne, en Italie et un peu partout en Europe, il n’y aurait rien eu de particulier en France. Enfin rien de réellement notable. Même pas de quoi en écrire l’histoire. Dixit les July, Glucksmann, Castro, BHL, et tant d’autres, aujourd’hui coupant des postes de pouvoir, tant dans la presse, la culture, la politique que l’économie…
Toutes les politiques institutionnelles de ce pays semblent fonctionner désormais avec, comme base affirmée, la négation du mouvement armé. Une des tâches de l’antiterrorisme est d’ailleurs de fabriquer de l’unanimité autour de la dépolitisation et de la criminalisation des résistances du mouvement révolutionnaire.
Et force est de constater qu’en France, l’extrême gauche, pour l’essentiel, a participé à ce large consensus.
Alors quoi, renégats, repentis ou simplement amnésiques ?
Pourtant, si nous nous bornons à comparer le nombre d’attentats entre 1968 et 1976 en Italie et en Allemagne – désignés pour être le creuset de la lutte armée européenne – avec ceux perpétrés pendant la même période en France, nous sommes en droit de remettre en question cette négation : on constate en effet que, durant ces huit années, trois fois plus d’actions politiques violentes sont commises sur ce territoire que dans les deux autres pays réunis… Alors qu’en est-il vraiment ?
Ce livre propose une chronologie commentée des mouvements révolutionnaires armés français de 1968 à 2000 et retrace une histoire qui, de la “Gauche Prolétarienne” à “Action Directe” en passant par les “Groupes d’Action Révolutionnaire Internationaliste”, les “Brigades Internationales”, les “Noyaux Armés pour l’Autonomie Populaire” et la guérilla diffuse du mouvement autonome est lisible et a sa logique.
Ce panorama du mouvement armé en France, loin de vouloir clore le débat, cherche au contraire à l’ouvrir en rompant avec les vulgates et les critiques préfabriquées de la psalmodie anti-terroriste, qu’elles soient prononcées par les historiens, les journalistes ou certains militants eux-mêmes.