Dans la période de fort développement et de forte concentration de l’industrie, le mouvement ouvrier américain connut lui aussi dans les années 1870 et 1880 un développement très important, avec des formes originales. Ainsi, les Knights of labor, une confrérie des producteurs – secrète à l’origine pour des raisons de sécurité – rassembla jusqu’à 700 000 membres au milieu des années 1880. Ouverte aux femmes et aux noirs, elle revendiquait la journée de huit heures, la nationalisation des chemins de fer, l’abolition des monopoles et la formation d’entreprises coopératives. Elle rassemblait ouvriers qualifiés et non qualifiés, syndiqués ou non, mais également des artisans et des petits patrons. De ce fait, sa direction refusait l’affrontement des classes et, après une série de conflits meurtriers, son influence déclina, concurrencée qu’elle était par l’American Federation of Labor (A. F. L.). Celle-ci, dirigée par Samuel Gompers, regroupait des syndicats de métiers, sans chercher à en unifier l’action ni à s’ouvrir aux ouvriers non qualifiés et aux chômeurs, et prônait ouvertement la négociation, le compromis et la réforme.
Dans divers secteurs de l’économie américaine, notamment dans les chemins de fer et dans les mines de l’ouest des États-Unis, les travailleurs rejetèrent les méthodes de l’A. F. L. et s’organisèrent sur la base de leur branche d’activité – industry en anglais. C’est de leur regroupement que naquirent en 1905 les Industrial Workers of the World, une fédération syndicale fondée sur le regroupement par branche. Les I. W. W. – surnommés plus tard wobblies – adoptèrent des principes syndicalistes-révolutionnaires, comparables à ceux de la Charte d’Amiens, et des méthodes d’action directe – grève ou sabotage si nécessaire – plutôt que négociation entre responsables syndicaux et patrons. Pendant plus de dix ans, ils animèrent de très nombreuses luttes à travers les États-Unis.
Internationalistes convaincus, ils s’opposèrent à la participation des États-Unis à la Première guerre mondiale et se heurtèrent alors à une répression meurtrière. Même s’ils existent encore, les I. W. W. n’ont depuis lors plus pu mobiliser un nombre significatif de travailleurs, mais leurs principes – un seul syndicat pour tous les salariés – et les formes qu’ils ont données à leurs actions ont continué à influencer les luttes sociales aux États-Unis.