Le nouveau président, afin d’ humaniser sa politique xénophobe d’expulsion des sans papierEs, prétend coupler fermeture des frontières et véritable aide au développement des pays pauvres, notamment africains. Alors va-t-il rompre avec la politique françafricaine de détournement de l’aide publique au développement(1) (APD) ? Va-t-il cesser de soutenir les pires dictateurs du continent africain ? Arrêter d’aggraver la misère des populations, de remplir les poches des partis métropolitains, de patronNEs véreux au nom d’une défense du pré carré français en Afrique contre les méchants anglo-saxons ?
D’inquiétants signes précurseurs (2)
Nous pouvons douter d’un assainissement des relations franco-africaines. Avant même le premier tour, Sarkozy candidat, tout comme Bayrou, rencontrait Omar Bongo(3), le doyen des dictateurs françafricains, soutenu par la France depuis 1967. C’était là l’occasion de rassurer ce beau monde avec lequel le nouveau président a quelques accointances (des amitiés avec Bongo, mais aussi Sassou Nguesso, Mohammed VI du Maroc, des caciques algériens, etc.). Depuis l’élection, le premier chef d’état accueilli ne fut autre d’ailleurs que le bon Omar. Le cap du soutien aux dictateurs africains semble donc maintenu.
Sarkozy était, jusqu’aux dernières élections, maire de Neuilly et président du conseil Général des Hauts de Seine, l’ancien fief de Pasqua. Ce dernier en a fait un haut lieu des magouilles RPR et du ré-investissement en France du détournement de l’APD. ?levé au biberon pasquaien, le nouveau locataire de l’élysée n’a jamais condamné les basses oeuvres de son mentor, les quelques audit entamés dans le fief des Hauts de Seine n’ont jamais abouti et certaines officines françafricaines du département comme Coopération 92 ont pu poursuivre leurs sinistres actions.
Bien sûr, on trouve ça et là quelques remises en causes des relations passées entre la France et ses anciennes colonies et même la volonté de “se débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux”. Cependant le poids de l’Afrique dans l’économie africaine est systématiquement minoré, l’action du patronat français en Afrique louée . Au total, c’est un bilan plutôt positif des relations franco-africaines qui est dressée et on note même une certaine mystique coloniale. Bref, aucun véritable changement de cap n’est annoncé de la part de l’ancien ministre de l’intérieur. Au contraire ! Après son élection, dans une tentative d’ouverture à gauche, il rencontre Hubert Védrine, pressenti un temps comme ministre des affaires étrangères. à ce poste sous Jospin et surtout du temps où il officiait comme secrétaire général de l’élysée de Mittérand, il a oeuvré (ou soutenu tout au moins) à la création des réseaux socialistes françafricains qui ne valent pas mieux que ceux de Foccart, Pasqua ou Chirac. Les amitiés avec le bétonnier Bouygues (enrichi notamment avec la construction “d’éléphants blancs” en Afrique, ces projets inutiles et inachevés, financés par l’APD) ou le marchand d’armes Lagardère n’augurent pas de bonnes choses pour les AfricainEs. Enfin, toute la presse s’est plus ou moins scandalisée des vacances post-électorales de Sarko sur le yacht après voyage en jet privé de Vincent Bolloré. De telles amitiés et les affirmations de classe ne méritaient sans doute pas de tels cris d’orfraie. En revanche, les liens plus inquiétants de Bolloré avec la Françafrique ont presque unanimement été passés sous silence. C’est là-dessus, que nous voulons revenir(4).
Bolloré, un groupe branché en Afrique(5)
Le groupe du Breton Vincent Bolloré, avec un chiffre d’affaires en 2006 de 6 milliards d’euros, est l’une des plus importantes sociétés françaises et européennes. L’aventure du groupe commence à la fin du XIXème siècle dans le papier, dont le fameux papier à cigarette OCB. C’est de là que vient son penchant pour les plantations et la surexploitation forestière en Afrique. Depuis, le bon Vincent a su faire fructifier le capital familial pour devenir la 451ème fortune mondiale avec 1,7 milliards de dollars selon le magazine Forbes. Il arrive à la célébrité médiatique par des coups boursiers retentissants comme la tentative d’OPA hostile sur Bouygues en 1997. Formé dans le milieu obscur de la banque chez Rotschild, il poursuit un temps dans cette voie en récupérant notamment Rivaud, la banque du RPR. Il s’intéresse rapidement aux transports maritimes en rachetant en 1991 la SDV (Scac Delmas Vieljeux) puis l’entreprise Saga de Pierre Aïm en 1996. Il augmente alors sa fortune en essayant de contrôler toute la chaîne du transport maritime en Afrique. Il se recentre finalement sur les installations portuaires avant de lorgner sur le ferroviaire. Pour toutes ces opérations, il profite des privatisations imposées par les instances financières internationales. Afin d’assurer ses arrières, déjà largement sécurisés par l’APD, il est lié d’amitié avec François David, président de la COFACE, cette entreprise qui garantit, essentiellement à partir de fonds publics, les investissements à l’étranger. Avec tout le cash gagné en Afrique, Bolloré a su diversifier son groupe dans l’industrie électrique et dans les médias (Havas, CSA, SFP, la chaîne de la TNT Direct 8, des journaux gratuits, etc.) faisant passer la part africaine de son chiffre d’affaires à seulement 17% en 2007. Cependant, comme l’ont fait Bouygues ou Lagardère, il renforce de la sorte sa position en France pour mener à bien ses basses oeuvres enrichissantes tout en se couvrant d’un éventuel retournement de situation en Afrique, la multitude des réseaux n’étant pas un gage de stabilité (et la stabilité n’étant pas non plus à rechercher pour accumuler les profits).
Un Roussin et un affairiste, deux poissons pilotes pour l’Afrique.
Pour ses magouilles africaines, le patron breton est bien entouré. Le vice président de Bolloré Afrique n’est autre que Michel Roussin, gendarme, ancien haut responsable des services secrets et du RPR (directeur de cabinet de Chirac à la mairie de Paris, tombé pour financement occulte), ancien ministre de la coopération (c’est-à-dire coordonnateur de la Françafrique), président d’une filiale africaine du bétonnier Eiffage... N’en jetez plus la coupe est pleine, c’est une véritable synthèse : barbouze, politicard, affairiste.
L’autre ancienne (ils sont fâchés depuis) éminence grise de Bolloré est Pierre Aïm. Magouilleur tombé pour détournement de fonds à Paris, réfugié au Sénégal auprès des présidents Diouf puis Wade, il est le grand ami des dictateurs africains : le Ttchadien Idriss Déby, le Congolais Sassou-Nguesso, qui ont été “top” avec lui comme il le déclare dans un entretien hallucinant au Quotidien sénégalais du 7 juillet 2006, le Marocain Hassan II, Bédié l’ex président ivoirien qui a lancé le premier le concept raciste “d’ivoirité”... En dehors de ses affaires françaises, Aïm oeuvre en Afrique dans les télécommunications et le transport via sa société Saga revendue à Bolloré en 1996. Il entre alors dans le groupe de ce dernier. On reparlera du soutien indéfectible au boucher Sassou-Nguesso, mais précisons qu’Aïm aurait utilisé sa société pour fournir du matériel militaire aux génocidaires rwandais.
Bolloré et les dictatures.
Aux côtés de différentes officines françaises, Bolloré, aidé par ses deux sinistres adjoints, a donné un sérieux coup de main à Sassou-Nguesso, beau père de Bongo, pour reprendre le pouvoir au Congo Brazzaville. L’ancien chef d’état (1979-1991), écarté du pouvoir, ruminait dans son coin. Devenu seigneur de la guerre à la tête de ses Cobras, aidé par les réseaux françafricains(6), il s’empare de nouveau du Congo par un coup d’état en octobre 1997. La guerre civile débutée en juin 1997 qui précède le retour de Sassou à la tête du pays a fait 10 000 morts.
Une fois au pouvoir, Sassou, toujours soutenu par l’état français, se lance dans une politique de dilapidation des fonds publics pour mener un fastueux train de vie. Plus grave, il se lance dans une politique d’épuration ethnique responsable de probablement plus de morts que les conflits du Kossovo, du Timor oriental et de la Tchetchénie réunis. Une mission de l’ONU établit en 1999 que cette sinistre politique a fait passer la population des villes de Nkayi et Dolisie de 120 000 à 3 500 habitantEs compte tenu des massacres et de l’exode.
Cependant, il n’y a pas là de quoi empêcher les affaires de Bolloré. Celui-ci se trouve bien payé de son aide. Profitant de l’isolement international du Congo-B, il obtient un quasi monopole sur la logistique pétrolière et les transports. Ainsi, il profite de la privatisation pour devenir, à la fin 1998, l’actionnaire majoritaire de la SCTM (Société Congolaise des Transports Maritimes), une société de droit (opaque) luxembourgeois (comme Clearstream). Cette société récupère 40% des droits du transit (qui peuvent s’élever jusqu’à 100 000$ par jour grâce au pétrole). A la tête de cette société, il place le neveu de Sassou : Willy. Avec l’aide De Pierre Aïm, il fonde encore la société Rail, qui gère les chemins de fer et les infrastructures de stockage. Enfin, il récupère une bonne part de la superficie forestière qu’il peut alors joyeusement exploiter.
Bolloré et ses acolytes ne limitent pas leurs basses oeuvres au seul Congo. Ils ont été très présents en Côte d’Ivoire du temps d’Houphouët (co-paternel de la Françafrique avec Foccart). Soutiens indéfectibles du Tchadien Idriss Déby, ils ont manqué de peu le contrat de fourniture du matériel d’exploitation pétrolière et la construction des pipelines dans un accord de partenariat avec Elf notamment. Pour son soutien au sinistre Charles Taylor(7) au Liberia, Bolloré récupère, entre autre, 150 000 ha d’hévéa préciser date pouvoir Taylor). Les dizaines de milliers de victimes libériennes et sierra-leonaises des seigneurs de la guerre apprécieront. évidemment, ce ne sont là que quelques-unes des “relations d’affaires” du patron breton puisqu’elles embrassent presque tout l’ancien empire colonial français et même au-delà. Au total, Bolloré, surnommé “le dernier Empereur d’Afrique”, en récupérant des spécialistes comme Roussin ou Aïm, a mis en place l’un des réseaux françafricains, aux côtés de ceux de Pasqua, Chirac-Foccart, Mitterrand, Bouygues,etc. qui pillent l’Afrique francophone. “Passant d’une exploitation relativement discrète à une captation boulimique, greffée sur les guerres civiles [...], son groupe [ne serait-il pas ] devenu le nouveau faux-nez des services secrets en Afrique, à côté ou à la place d’une Elf surexposée“(8)
Sarkafrique, mafiafrique ?
Les amitiés affairistes franco-africaines de Sarkozy (Bouygues et Bolloré), la faible condamnation des errances passées de la Françafrique, la poursuite de relations douteuses avec Bongo et consorts, la tentative de retournement de Hubert Védrine, n’incitent pas à penser que le nouveau président mette un terme à la criminelle politique néo-coloniale de l’état français. Une seule différence peut-être, ses propos atlantistes peuvent augurer de la fin du “syndrome de Fachoda(9)”, cette défense paranoïaque du “pré carré” français en Afrique contre l’influence anglo-saxonne. L’ère sarkozienne pourrait alors être celle du basculement définitif de la Françafrique à la seule Mafiafrique, c’est-à-dire l’enrichissement d’une clique réduite, sans patriotisme hallucinant et parfois halluciné(10), même s’il reste encore du boulot de conversion à faire compte tenu de la mentalité d’extrême droite des mercenaires et de nombre de gradés de l’armée française positionnée en Afrique. La nomination de Bernard Kouchner aux affaires étrangères pourraient aussi aller dans ce sens. Le french doctor est connu de longue date pour son atlantisme. Quant à l’action humanitaire dont il est le héraut, elle s’accommode trop souvent des dictatures en place au nom de l’urgence. Les populations resteraient les dindons de la farce et les dictatures, parées des oripeaux de fausses démocraties, pourraient encore couler des jours heureux sur la misère de presque touTEs.
Loin de ces assassins en col blanc (de luxe) et de leurs mercenaires, barbouze ou bidasses, soutenons les populations qui se révoltent contre l’oppression dictatoriale et l’exploitation impérialiste, aidons à la connexion de ces luttes afin d’empêcher les pouvoirs français et africains de tirer sur les ficelles du racisme pour conserver leur hégémonie comme il l’ont fait au Rwanda, au Kivu, au Biaffra, etc. Sur le terrain, des alternatives sérieuses commencent à exister, à la base, comme à Tivaouane près de Thiès au Sénégal(11), le mouvement de lutte en Guinée Conakry était lui aussi porteur d’avenir tout comme le développement d’un syndicalisme alternatif au Burkina-Faso ou au Maghreb, etc. Il n’y a pas de fatalité africaine !