Accueil > archéologie:alternataire > La Sociale (2002-2012) > 24 (juin 2007) > LA GUINEE, UN PARCOURS CHAOTIQUE EN FRANÇAFRIQUE (1)

LA GUINEE, UN PARCOURS CHAOTIQUE EN FRANÇAFRIQUE (1)

mardi 5 juin 2007


Lors des indépendances des colonies africaines organisées par De Gaulle et Foccart en 1958, la Guinée, derrière Sekou Touré est le seul pays de l’ex AOF à refuser l’ingérence de la France en n’adhérant pas à la Communauté franco-africaine. Inspiré par le panafricanisme anticolonialiste du ghanéen Nkrumah, l’ancien syndicaliste et premier président guinéen a tout fait pour échapper au contrôle des réseaux Foccart, au point de choisir l’alliance soviétique dans le contexte de la guerre froide. Les multiples complots menés par Foccart et les délires staliniens ont eu raison de l’indépendance de Sékou Touré tout en le poussant dans une folie dictatoriale et sanguinaire. Ainsi, le discours anticolonialiste se double d’une répression féroce. Le symbole de l’atrocité est le camp Boiro, l’un des camps de détention illégale, où l’on torture allégrement selon des méthodes importées de l’URSS.

Le retour dans le giron foccartien.

Sur la fin de sa vie, Sékou Touré renoue avec la France et avec Jacques Foccart. Après sa mort en 1984, son aide de camp, le général Lansana Conté, prend le pouvoir après un coup d’état. Il ne l’a plus quitté depuis avec le soutien bienveillant de la Mitterrandie et de la Chiraquie malgré un discours régulièrement mais faussement francophobe, puisque sa garde personnelle est encadrée par des militaires français. Quant à la répression, elle continue à s’abattre sur les GuinéenNEs. Le camp de Boiro reste ouvert, il change juste de nom, les méthodes barbares demeurent.

Preuve de son soutien, la France fournit le matériel anti-émeutes qui a servi à réprimer les manifestantEs du mouvement de janvier-févier 2007. Quand, à partir des années 1990, Lansana a dû concéder le multipartisme, il s’est maintenu au pouvoir par la fraude électorale voire en emprisonnant avant le 2ème tour son principal rival : Alpha Condé. Cela lui vaut des critiques internationales plus ou moins timides mais un soutien inconditionnel de la France. A cette occasion, Chirac, sans gêne, déclare que les GuinéenNEs « ont pu librement exprimer leur choix lors des scrutins qui, peu à peu, enracinent la démocratie en Guinée. ». Face à la crise récente, la France a tout fait pour repousser une « ingérence » extérieure afin de laisser Lansana lacérer dans le sang la Guinée. Selon Le Monde du 15 février 2007, la France aurait même envisagé d’envoyer un navire militaire de débarquement en Guinée.

Pour son aide, le ’’débiteur’’ français exige un retour. La Guinée participe donc en 1998 à une coalition sénégalo-française pour restaurer le dictateur de Guinée Bissau Nino Vieira, menacé par sa propre armée(2). La Guinée est aussi impliquée dans le soutien au seigneur de la guerre libérien Charles Taylor, au boucher congolais Sassou Nguesso et aux opérations de financement, comme le trafique de drogue. Ces différentes opérations poussent environs 700 000 réfugiéEs du Liberia, de Sierra Leone, de Guinée Bissau à se réfugir en Guinée. Faute d’aides sérieuses de la Françafrique, la misère des populations es est encore augmenter.

Un soutien français au service de l’exploitation de la Guinée

La Guinée est riche en diamants, uranium et est au 1er rang mondial pour ses réserves de bauxite dont elle est le 2ème producteur. Notons qu’il y a relance de l’exploitation du minerai de fer du mont Nimba à la frontière avec la Côté d’Ivoire et le Liberia. Ce projet est lancé en pleine « guerre civile » libérienne suite aux travaux du BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière), un institut français très branché sur les services secrets. Le projet vise ainsi, entre autre, à apporter des fonds, une fois de plus, à Charles Taylor puisque c’est par les installations portuaires du Liberia que doivent transiter les exportations. Le fer est exploité par un consortium réunissant notamment l’américain Enron (celui des fraudes, des complots, etc. révélés en 2001), le japonais Marubeni (la Chiraquie entretient d’ailleurs des liens forts avec l’état Japonais, l’extrême droite et la maffia nippones et les réseaux Chirac profitent largement du détournement de l’aide médicale japonaise à l’Afrique(3)) et la Compagnie guinéenne, avec la Banque Mondiale. Les profits considérables de cette exploitation vont aux compagnies exploitantes et au clan présidentiel, rien n’est consacré au pays et à ses habitantEs, qui vivent dans le plus misérable des dénuements. Enfin, précisons que 20% des importations de la Guinée proviennent de l’ex métropole et en pleine crise politique en 1998-1999, Chirac, qui vient assurer Lansana du soutien de la France, consolide des contrats pour Bouygues.

(1) Lire FX Verschave « Si la Guinée m’était Conté » in Noir Silence, pp.216-222, 2000, les Arènes.

(2) lequel renvoie l’ascenseur en prêtant des troupes filer un coup de main lors de la répression du mouvement social de début 2007, voir l’article : retour sur les luttes en Guinée-Conakry ».

(3) FX Verschave, Noir Chirac, pp.197-199 , 2002, Les Arènes.