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Mujeres Creando

lundi 5 mars 2007


Mercredi 7 février au CCL était organisée la projection de "Creando mujeres", un film réalisé par le collectif bolivien Mujeres Creando, composé de 8 "épisodes" tournés directement dans la rue, et où les thèmes traités par les militantes du mouvement (la libération des sexualités, le patriarcat, l’homophobie, un discours violemment critique à l’égard des pouvoirs en place), littéralement mis en scène et interprété par les femmes du collectif, éveillent un débat immédiat et inédit parmi la population.

Mujeres Creando (littéralement "femmes en train de créer") est un mouvement féministe de rue, indépendant de toute organisation ou parti politique. Il a été créé en 1990 à La Paz par deux étudiantes proches de l’extrême-gauche, Maria Galindo et Julieta Paredes. Depuis, les ont rejointes plus d’une vingtaine de femmes de toutes origines et de toutes classes sociales : prostituées, divorcées, mariées, lesbiennes, hétérosexuelles, célibataires, Indiennes, étudiantes, artistes. D’où l’autodéfinition récente du collectif : "Nous sommes un mouvement d’Indiennes, de putes et de lesbiennes ensemble, mélangées et fraternellement liées".

Le mode d’action du collectif n’a jamais varié depuis sa création (et ceci malgré les brutalités policières dont il est presque chaque fois victime, comme de la violence des organisations d’extrême droite ou de gauche boliviennes) : il s’agit d’investir l’espace public, de créer des manifestations dans la rue, d’agir parmi les gen-te-s concerné-e-s avec "humour, provocation et poésie". Pour elles, l’action politique est faite aussi bien des corps et des imaginations que d’esprit et de réflexion. On voit ainsi dans le film des Indiennes en costume traditionnel distribuer (ou tenter de distribuer) des badges antiracistes à la sortie d’un magasin chic, une femme qui proteste en plein tribunal contre la paralysie administrative du système judiciaire bolivien en éventrant sur le public des sacs pleins de paperasse, des lesbiennes se coucher dans un lit improvisé en pleine rue. Le tout sous l’oeil faussement choqué d’une militante, déguisée en bourgeoise, qui matérialise face au public, par son comportement et ses réactions caricaturales, l’intolérance de l’opinion commune.

Malgré le caractère théâtral de ces manifestations, les Mujeres Creando ne se définissent pas - et refusent qu’on les définisse - comme des intellectuelles ou comme des artistes : "nos actes ne sont pas des anecdotes, leur seule transcendance est dans nos vies." Leur mode d’agir, original, physique et vivant, qui s’introduit "dans le tissu des relations sociales", est simplement celui qui parle le plus directement aux gens de la rue. Au cours de son évolution, le collectif va d’ailleurs être amené à diversifier ses créations : en 1995, il entreprend la publication de "Mujer Publica", un périodique qui expose les positions du mouvement sur la situation politique aussi bien que sur la vie quotidienne des femmes. Entre 1999 et 2003 les femmes de Mujeres Creando, sous l’égide de leur co-fondatrice Maria Galindo (auteure elle-même de nombreux articles, voir le site de la FA), ont également fait paraître plusieurs livres sur leur expérience militante. De plus, elles ont ouvert en 2004 une maison autogérée à La Paz, "Virgen de los deseos" (La Vierge des désirs), un lieu qui, idéologiquement, est un espace propre aux femmes et à leur lutte mais ouvert à la société et à son changement, et qui prend, économiquement, la forme d’une coopérative où sont menées toutes sortes d’initiatives par des groupes de femmes différents. Comme le définit Maria Galindo, "Virgen de los deseos" est "le lieu précis où se tient le point de rencontre de la désobéissance et de la rébellion tant dans le domaine du vécu personnel que dans celui du collectif."

Le site de Mujeres Creando