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La Justice juge la police...

vendredi 8 décembre 2006


Le tribunal correctionnel de Bobigny a condamné le 23 novembre, à 6 mois de prison avec sursis pour "homicide involontaire" un agent de la police aux frontières (PAF), pour la mort d’un Ethiopien qu’il était chargé d’escorter lors de son expulsion en janvier 2003 à Roissy (Val-d’Oise). Getu Hagos Mariame, 24 ans, devait être expulsé à bord d’un avion en direction de l’Afrique du Sud. Ses protestations ont incité les policiers à utiliser ce qu’ils nomment les "gestes techniques d’intervention", afin de le maîtriser et de le réduire au silence. Maintenu compressé, assis, le visage contre les genoux, trop longtemps, Hagos Mariame a fait un malaise. Hospitalisé dans le coma, il est mort le lendemain. Pour le tenir plié sur son siège, M. Dallier s’était assis sur lui, selon des témoins, ce qu’il a toujours nié.
Le tribunal a reconnu la culpabilité d’Axel Dallier, 26 ans, le chef d’escorte, pour "homicide involontaire" en raison d’un "manquement à une obligation de prudence et de sécurité". Dans ses motivations, le tribunal a considéré que le "pliage" prolongé, qui avait entraîné le malaise du jeune homme, "ne correspondait pas à un usage nécessaire et strictement proportionné de la violence", ainsi que le préconise le code de déontologie de la police. Les deux collègues d’Axel Dallier ont été relaxés.

Rappelons qu’à l’audience, le 28 septembre, la procureure, Nadine Perrin, avait demandé la condamnation de principe d’Axel Dallier et de son collègue Merwan Khelladi, 32 ans, sans demander de peine précise et tout en estimant "qu’ils n’avaient pas transgressé le règlement". Suspendus pendant 10 mois, les 3 policiers avaient été réintégrés dans un autre service de la PAF.

...et le mouvement social

Parmi 18 procès qui se sont tenus à Lille à la suite du mouvement social du printemps 2006, on compte déjà 5 condamnations au sursis (entre 2 et 3 mois). Des exemples précis témoignent d’une politique sécuritaire qui se sert de l’arsenal législatif des dernières années : un étudiant, sans passif judiciaire, a été condamné à 3 mois avec sursis (le procureur réclamait 4) pour jet de projectile présumé sur les forces de l’ordre (accusation que l’étudiant nie formellement). La présomption tenait sur un unique témoignage. C’est peu. Surtout que ce témoin, une commissaire qui dit l’avoir reconnu (alors qu’aucun CRS n’a corroboré le témoignage), a précisé l’avoir déjà vu auparavant dans les manifs et faire preuve d’hostilité à l’égard des forces de l’ordre (tout en reconnaissant qu’elle ne l’avait jamais vu jeter quoi que ce soit).

Convoqué pour se soumettre à un prélèvement ADN. Après 80 heures de TIG et une condamnation, le voici face au fichage, face au flicage ! Le refus de se soumettre à ce prélèvement criminalise un peu plus les personnes. Chaque jour, la moindre arrestation vaut un fichage. Comme pour la loi sur la prévention de la délinquance, ces procès sont, pour l’Etat, un moyen de museler des personnes en colère et d’étouffer toute volonté de contestation sociale.