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une année de luttes et d’hésitations dans l’éduc nat’

vendredi 4 août 2006


L’année 2005-2006 a été traversée par divers mouvements et revendications dans l’éducation nationale, et notamment dans la région. Les premiers mois de rentrée sont marqués par le développement d’une lutte contre l’expulsion des mineurEs sans-papierEs, avec le Réseau éducation sans frontières (RESF).

Localement, des réseaux se renforcent via les organisations de gauche et syndicales. En apparence, du bon boulot est fait : les mobilisations sont souvent satisfaisantes en terme de garanties obtenues... Rapidement, Sarkozy s’empresse d’annoncer qu’il n’y aura pas d’expulsion lors des périodes scolaires, puis que certainEs élèves seront régulariséEs (ils sont bien peu, les conditions étant draconiennes). Ouf ! Et pourtant personne ne tousse alors que les expulsions atteignent des chiffres industriels... En tout cas, ça nous laissait envisager la fin d’année scolaire que nous connaissons avec ces multiples épisodes de lycéenNEs ou étudiantEs arrêtéEs, menacéEs d’expulsion et pour qui la mobilisation est présente. Et relayée médiatiquement. En touchant aux enfants, le gouvernement peut choquer une majorité de professeurEs, surtout quand ce sont leurs élèves qui sont concernéEs. De même les parents d’élèves peuvent se mobiliser facilement.

A partir de novembre-décembre, c’est la carte scolaire qui occupe plus les esprits. Surtout dans le Nord, où les suppressions de postes précarisent encore plus les conditions de travail et les salariéEs : 636 postes dans le second degré et 31 emplois administratifs doivent être sucrés. Cette fois-ci la mobilisation repart dans les établissements particulièrement touchés, notamment sur la métropole. Ceux-ci n’hésitent pas à enchaîner des jours de grève et iront jusqu’à occuper les lieux de travail le temps d’obtenir gain de cause. Si on peut parler de gain, car ici nous sommes dans la résistance à la casse du service public : quelques postes sont sauvés par-ci par-là. Les lieux de lutte dans l’éducation nationale ont eu du mal à se connecter, selon la présence effective des syndicalistes ou le moment choisi pour entrer en lutte. La convergence d’une lutte n’est pas chose forcément gagnée même dans un secteur qui sait être revendicatif et unitaire quand il le faut.

Puis vint le mouvement étudiant (et rapidement lycéen) et son cortège d’appel à la convergence des luttes. Du fond de notre salle des profs, eh bien pas grand chose. Les syndicats dits représentatifs (FSU, CGT, FO) affichent un peu et se contentent de déblatérer sur le CPE, comme si la loi sur l’égalité des chances ne concernait pas les personnelLEs de l’éducation.

Néanmoins la tactique semble opportune et efficace : les manifestations unitaires rassemblent de plus en plus de monde. Les grèves sont suivies et la stratégie des temps forts, comme en 2003 pour le mouvement contre la réforme des retraites, est prônée. Très vite, des professeurEs isoléEs se mettent en lutte, soit en soutien de leurs élèves (au lycée), soit en suivant les appels à la grève des syndicats et de la coordination nationale. Mais de retour sur le lieu de travail, c’est dur. Les collègues restent en position de spectateur/rices et se targuent de pronostics faussement connaisseurs. La lutte devient un spectacle médiatique, un objet de consommation. Dans certaines bouches, j’entends les arguments des JT, des reportages chocs (“t’as vu les casseurs, hein ?! T’as vu qui c’est, hein ?? La Sorbonne ! Merde !”).

D’autres ont envie d’ “y aller”, mais le souvenir des défaites de 2003 (surtout) et de 2005 (un peu) semblent les freiner : “Si les profs partent, il n’est pas question qu’on soit un fer de lance !” En outre, la perte de journées de salaires est mal ressentie : très vite, les crédits au logement, aux voitures ou autre vacances sont mis en avant... La société de consommation s’adapte toujours aux conditions possibles de vie des fonctionnaires. Pour les précaires de l’éducation nationale, la question est différente : le droit de grève n’est que peu relayé et peu envisageable (salaire de misère, statut de merde). L’annonce de la démobilisation générale par les syndicats au son d’un nouveau “On a gagné ! Plus de CPE, plus de problème. On verra plus tard pour le CNE” fait son effet : les personnelLEs reçoivent avec satisfaction l’annonce de la victoire. Le Bac était une nouvelle fois menacé, les arrestations des élèves s’étaient mutlpliées et la violence sociale qui s’exprimait inquiétait. Les premiers mots sont peut-être les plus importants : “On n’a pas fait grève pour rien ce coup-ci.” Pourtant, bien peu a été obtenu, malgré un nombre important d’appels à se mobiliser dans l’éduc’ nat’ : la carte scolaire est toujours pourrie, des élèves seront expulséEs cet été, et de nombreuses menaces planent toujours sur les conditions d’enseignement...