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Sarkozy présente ses nouvelles assistantes sociales

novembre 2002


Loin des seules mesures ostentatoires (flash-balls pour les flics et omniprésence médiatique), avec le projet de Loi sur la Sécurité intérieure [], Sarkozy est en train de mettre en place un véritable État policier. La centralisation sécuritaire est ainsi renforcée, flics et gendarmes étant placés sous l’autorité des préfets. Le pouvoir judiciaire est mis sous dépendance puisque les flics pourront sans autorisation préalable se livrer aux fouilles de voiture, perquisitions et prélever des empreintes génétiques y compris pour des délits bénins. Toutes ces mesures qui balaient la présomption d’innocence et la liberté de circulation ont pour seul motif d’accélérer les enquêtes. De plus, dans la droite ligne de la LSQ adoptée par la gauche [], les fichiers policiers et de gendarmerie seront croisés et l’autorité administrative pourra y accéder particulièrement lorsqu’ils traitent de populations étrangères. Notons au passage que la CNIL (Commission Nationales Informatique et Liberté) comme la loi l’oblige pourtant, n’a même pas été consultée et que - c’est une première ! - elle s’est auto-saisie du projet de loi.

Le contrôle des populations immigrées illustre également les velléités de criminalisation de la misère. De nouveaux délits sont ainsi créés pour toucher les populations les plus précarisées sous prétexte de défendre les « plus pauvres ». Certes, le projet annoncé début octobre était encore plus délirant que celui présenté le 23 octobre. Mais les parlementaires se chargeront sans doute de le durcir à nouveau, et le ministère de la Justice est mis à contribution pour en présenter un autre dans quelques semaines.

La loi Perben votée cet été a déjà re-créé les centres d’éducation fermés pour les mineurs, abaissé la majorité pénale et instauré des « juges de proximité » non professionnels en charge des délits passibles de moins de 1 500 euros d’amende. La justice expéditive bourgeoise a encore de beaux jours devant elle ! Enfin le garde des sceaux est maintenant accompagné d’un secrétariat d’État à la construction de prisons, ayant pour tâche d’augmenter le parc immobilier carcéral afin d’enfermer toujours plus ceux dont le principal délit est d’être pauvre.

Un contrôle social à toutes les échelles

Les coopérations policières internationales ont fait florès (accords Schengen…) et les mesures Sarkozy contre les gens du voyage ont été précédées d’accords avec la Roumanie où la situation des Roms est pourtant déplorable. De plus, existe au niveau européen, au moins depuis 1998, un groupe de travail qualifié d’ENFOPOL. Celui-ci réunit, dans la plus grande opacité, des responsables des ministères de l’intérieur européens qui prônent des facilités pour le contrôle et la mise en commun des fichiers, le tout avec la complicité d’opérateurs téléphoniques leur allégeant la tâche technique par la standardisation. C’est dans ce contexte qu’a été adoptée la LSQ par la gauche et que la coopération policière a pu jouer à plein lors des différentes mobilisations contre la mondialisation capitaliste.

Mais comme l’illustre la multiplication des polices municipales ou le déploiement des BAC (brigades anti-criminalité chargées de terroriser les quartiers paupérisés), l’échelle locale est un maillon essentiel de l’arsenal sécuritaire. Depuis Chevènement, les villes peuvent se doter de Contrats Locaux de Sécurité (CLS) qui visent à contrôler et ficher les habitants des communes par la collaboration entre flics, administration, entreprises, école, sociétés HLM… Ce système de contrôle et de délation généralisée va ainsi permettre aux Hauts de Seine d’installer des caméras dans tous les collèges du département ! Le Nord n’est pas épargné. Roubaix, Tourcoing et Villeneuve-d’Ascq ont adopté des CLS dont l’audit a été facturé à prix d’or par AB Associate (société d’Alain Bauer, prétendu spécialiste de la violence, membre du PS, chef du Grand Orient de France et entrepreneur sécuritaire notoire  [1]). À Roubaix, le CLS s’accompagne de l’achat d’un logiciel à DATA Image (30 000 euros) qui permet d’enregistrer aux échelles les plus fines tous les actes de délinquance et d’« incivilité ». Pour parachever ces pratiques dignes du 1984 d’Orwell, les communes adoptent de plus en plus des arrêtés contre les pauvres (anti-mendicité, contre la consommation d’alcool dans les espaces publics) comme Martine Aubry l’a fait à Lille. Cela ne l’empêche pourtant pas de qualifier de « liberticides » le projet Sarkozy, tout comme sans doute son homologue de Roubaix, inscrit à gauche lui aussi.

Contre la gestion sécuritaire de la misère, réagissons !

Contrer ces mesures est néanmoins possible. Les enseignants de Roubaix ont refusé la collaboration inscrite dans le CLS. Nous étions nombreux le 8 octobre dernier à protester à Lille et dans d’autres villes de France en soutien à Ahmed de No Borders et contre la criminalisation des mouvements sociaux en général. La lutte de et avec les sans papier-e-s gêne les politiques racistes de l’Etat et doit se poursuivre jusqu’à la régularisation de toutes et tous. Partout, enrayons la machine sécuritaire, outil de gestion de la misère et le capitalisme qui l’a crée ! La lutte contre le fascisme ne peut se limiter à un entre-deux tours d’élections présidentielles.

Notes

[1cf Courant alternatif, oct. 2002 : Le coup d’État sécuritaire.