Accueil > archéologie:alternataire > L’Écho des sans-voix > 01, printemps 1999 > Le mouvement des chômeurs : ou le droit de vivre décemment

Le mouvement des chômeurs : ou le droit de vivre décemment

avril 1999


Lorsque nous comptons, en France, 6 millions de chômeurs et de précaires, que 22 millions de sans-emplois sont officiellement recensés en Europe, lorsque les gouvernements légifèrent sur la réduction du temps de travail en accordant une flexibilité maximum au grand patronat, lorsque pour diminuer les taux de chômeurs ne sont proposés que des formations bidon, des entreprises d’insertion, des emplois-jeunes occupationnels et sans avenir pour les diplômés, une réduction sans fin du nombre de postes dans le service public, le mouvement des chômeurs de l’hiver 97-98 apparait évident et plus que légitime.

Pourtant, la répression de ce mouvement par la violence, par l’expulsion et la fermeture des lieux d’occupation tels les ANPE ou les ASSEDICS fut systématique. L’autre réponse de Jospin fut de rendre le milliard de francs supprimé quelques mois auparavant des caisses de l’UNEDIC (alors présidé par Nicole Notat), et d’expliquer que le problème ne pouvait être pris globalement, que des services sociaux existaient déjà pour traiter les cas de manière individuelle et adaptée. En juillet 1998, la loi contre les exclusions proposées par Aubry est votée ; rien de nouveau sous la pluie ! Cette loi concentre finalement tous les dispositifs déjà en place qui individualisent les parcours administratifs, alors que c’est l’application d’une politique globale qui est nécessaire pour que le droit au travail soit enfin respecté (droit qui figure pourtant dans la constitution française de 1945) et pour que chaque individu dès sa majorité puisse vivre avec un revenu décent. Pendant ce temps, les radiations des ASSEDICS s’intensifient, la dégressivité des indemnisations chômage se poursuit, les contrôles sociaux des sans-emplois culpabilisent toujours davantage.

Et ce nest qu’un début : la commission européenne nous réserve encore un bel avenir, l’esprit des projets de loi discutés à Bruxelles en matière de politique d’emploi parait très clair et ouvre grand la porte à un libéralisme de type américain, instaurant le dumping salarial ou la travail forcé pour un salaire équivalent au RMI. " Les systèmes d’indemnisation, de fiscalité et de formation là où cela s’avère nécessaire - doivent être revus et adpatés afin de promouvoir activement la capacité d’insertion professionnelle. À cette fin, chaque État membre examinera et modifiera ses systèmes d’indemnisation et de fiscalité, et incitera réellement les chômeurs ou les inactifs à chercher et à saisir la possibilité d’emploi ou de formation. " (cf Commission européenne, Bruxelles, le 14-10-1998)

Dès mars 1999, la Banque Centrale Européenne a vérifié la mise en place des mesures nationales de réduction du cout du travail, chaque pays de la communauté a du rendre sa copie. C’est une véritable chasse aux sans-emplois qui se structure, c’est la légalisation de l’exclusion à grande échelle qui se décide sans nous.

Sabine L., AC ! Lille