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Le droit d’asile est mort !

novembre 2001


Le camp de Sangatte, près de Calais, est une création de l’Europe forteresse. Ce camp, qui laisse des milliers de personnes dans une « situation dite illégale », mais en réalité tout à fait officielle et délibérée, est la conséquence des politiques d’immigration menées par les différents États de l’Union Européenne : la « fermeture des frontières ».

Cette politique est avant tout parfaitement absurde. Quels que soient les dispositifs mis en place, les frontières resteront des passoires. Cette politique est criminelle. Cette politique n’est qu’un leurre qui permet de trier, sélectionner, contrôler dans un but économique. Cette politique n’est qu’une fabrique à sans-papiers, main d’œuvre exploitable et corvéable à merci.

Limitant, restreignant l’immigration afin de mieux la contrôler, dans un but lucratif, les États européens s’en prennent aussi au droit d’asile, le vidant de sa substance. Son existence, d’ailleurs, n’a jamais été qu’un masque utile dans le cadre de la division Est/Ouest. Après l’écroulement des régimes communistes, et dès lors que ce monde paraît réunifié idéologiquement, économiquement et financièrement, le masque peut tomber. L’utilité idéologique de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés n’est plus.

En 1950, 350 000 réfugiés étaient placés sous la protection de la France. En 1999 ils n’étaient plus que 108 102. Y aurait-il moins de conflits dans le monde ?
De fait on assiste au sein de l’Europe, depuis de nombreuses années, à un alignement par le bas des lois sur l’asile qui s’apparente à une course à celui qui deviendra le moins attractif. En 1998, fut même proposé par l’Autriche non encore haiderisée mais toujours social-démocrate, la suppression pure et simple de la Convention de Genève.

Techniquement, les obstacles posés au demandeur d’asile sont multiples et répartis tout au long de son parcours.

Ainsi est-il devenu quasiment impossible pour la plupart d’entre eux de gagner légalement un « pays d’accueil » : délivrance aléatoire de visas, arrestations et renvois arbitraires aux frontières (zones d’attente), dispositifs policiers et militaires aux frontières de l’Europe. En conséquence, qui fuit son pays est livré aux passeurs dont le prix sera proportionnel aux difficultés rencontrées.

Les États européens déclarant lutter contre ces « exploiteurs de la misère humaine » ont instauré des amendes pour les entreprises de transport qui acheminent des étrangers dépourvus de visa, les transformant ainsi en auxiliaires de police. Mais cette politique est inefficace pour empêcher les étrangers d’entrer sur le territoire. Elle les empêche juste de le faire légalement et a pour effet d’augmenter les coûts et les risques du voyage. On s’émeut sur le drame de Douvres (58 chinois retrouvés morts dans un camion frigorifique en juin 2000)… et on renforce les mesures qui conduisent à ces drames.

Lorsque le réfugié parvient à pénétrer sur le territoire européen, le parcours du combattant continue. Soupçonné de vouloir s’inviter au festin et/ou d’être un criminel, il est confronté aux difficultés d’accès à la procédure d’octroi du statut de réfugié. En France, soumis à l’accord préalable d’une Préfecture, tributaire de délais de dépôt de plus en plus long (une arrestation suivie d’une expulsion pouvant intervenir entre temps), il verra son dossier soumis à l’Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides (O.F.P.R.A.), machine qui dans les faits n’est qu’un garde-frontière supplémentaire et qui le déboutera 9 fois sur 10. L’O.F.P.R.A., sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères applique en effet la Convention de Genève d’une manière de plus en plus restrictive. Le dit statut est aussi détourné par la multiplication de protections temporaires et précaires dans les différents pays européens : asile territorial, asile humanitaire, statut B, protection temporaire…

Au niveau de la législation européenne, un arsenal de mesures renforce ces dispositifs locaux. Les accords de Schengen et Dublin ont instauré le principe de la responsabilité unique d’un État-membre dans l’examen de la demande, cet État devant être le premier pays d’« accueil ». Dans ce cadre, fut instauré le Système informatique Schengen (S.I.S.) qui fiche tous les demandeurs d’asile et autres immigrés empêchant quiconque, débouté du droit d’asile dans un pays, d’en faire la demande ailleurs.

Des défenseurs du droit d’asile défendent l’idée d’une politique d’accueil des réfugiés détachée de la gestion des flux migratoires, insinuant en cela qu’il y aurait des « vrais » et des « faux » réfugiés. Cette position distinguerait des réfugiés dits « économiques » et des réfugiés dits « politiques », sacrifiant les premier pour « préserver » les seconds. Or, il est impossible de distinguer réellement entre réfugiés « économiques » et « politiques » tant les conflits existant sur la planète sont complexes et toujours empreints d’une dimension économique. Le politique et l’économique sont deux questions inextricables et indissociablement liés. (cf. Françafrique ).

Quand un État décide de s’en prendre aux étrangers, il ne fait pas dans le détail. Il n’existe pas de solution entre le contrôle coercitif et l’ouverture des frontières. Il n’y pas d’autre choix, ne serait-ce que pour défendre intégralement le droit d’asile, que de revendiquer la liberté de circulation.

Christophe et François.