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Soutien à Christophe !

mardi 16 novembre 2004


Nous avons plusieurs fois évoqué dans La Sociale la situation de Christophe, camarade anarchiste emprisonné jusqu’en 2007. Au printemps de cette année, il a été transféré de la maison d’arrêt de Maubeuge au centre de détention de Val-de-Reuil, dans l’Eure. Pour la première fois en 6 ans d’enfermement, Christophe entrait, après 9 maisons d’arrêt (réservées normalement aux courtes peines) dans un centre de détention, dédié aux longues peines. Les conditions y sont plus compatibles avec un enfermement de longue durée : plus de possibilités d’activités et de formations, portes des cellules ouvertes la journée, accès au téléphone, etc.

Le centre de détention de Val-de-Reuil, situé dans le fief électoral de Jean-Louis Debré, est le plus grand d’Europe, et il a dans les canaux médiatiques officiels une réputation d’établissement modèle ultra-moderne. Que du bonheur ! Evidemment la réalité est toute autre. Parmi les détenus de France, Val-de-Reuil, grâce à une juge d’application des peines (JAP) particulièrement féroce, avait la réputation d’un établissement où les peines se rallongeaient (par exemple : 1,8 % de permissions accordées à Noël contre une moyenne nationale de 23 %). Cette JAP a quitté Val-de-Reuil, mais ces éléments en disent long sur la manière dont les informations sur la prison circulent et sont traitées.

Indigent (sans aucune ressource), Christophe a décroché il y a peu une formation rémunérée (moins de 300 euros) à la plomberie. Mais surprise ! Tout le premier mois de formation a été occupé par la destruction d’un bâtiment construit lors d’une formation précédente. Ce travail aurait certainement dû être réalisé par une entreprise de démolition extérieure à l’établissement, mais il n’y a pas de petites économies dans ce que que le service de l’emploi pénitentiaire appelle « l’entreprise la plus compétitive de France » dans sa campagne de pub à destination des entreprises. Les arguments sont frappants : un personnel disponible immédiatement, payé à la pièce, flexible et ajustable, pas de charges sociales... En 2002, la Régie Industrielle des Établissements Pénitentiaires (RIEP, à l’origine créée pour produire les uniformes, le linge, les meubles des prisons) a réalisé un chiffre d’affaires de 18,38 M d’euros dont 41 % réalisé auprès de clients privés, avec un effectif de 1 279 « opérateurs détenus ». En revanche, on ne sait pas combien d’entreprises profitent de la formidable compétitivité des travailleur-euse-s incarcéré-e-s. Vuitton sous-traite en prison, le restaurant Maxim’s fait faire ses truffes en chocolat par les taulards de Val-de-Reuil, Sagem est aussi sur les rangs dans cet établissement.

Du travail forcé à l’insertion...

À l’origine, le travail en prison était présenté comme une peine supplémentaire. C’était l’époque du bagne et du travail forcé. Aujourd’hui, le discours a bien changé : le travail en prison est devenu un moyen d’insertion. Certainement faut-il comprendre qu’une fois bien exploité-e-s en prison, les ancien-ne-s détenu-e-s seront moins disposé-e-s à se rebeller contre leurs patron-ne-s. Outre l’accoutumance à l’esclavage salarial, les contrats passés par la pénitentiaire avec le privé servent à financer son propre développement en faisant croire aux contribuables qu’ils et elles vont faire des économies. Dans le même temps, ce qui était auparavant dévolu à la RIEP échoit à des entreprises extérieures, comme Sodexho (restauration). C’est le cercle vicieux : les entreprises, comme la pénitentiaire, ont intérêt à ce que se multiplient les centres de détention et les opportunités de sous-traitance.

... Et de l’insertion au travail forcé

À Val-de-Reuil, même si on est friand de partenaires privés, on en est quand même resté à l’ancienne conception du travail forcé. En effet, de nombreux détenus sont victimes d’un chantage où, s’ils refusent un travail ou une formation pour lequel ils ont été désignés d’office, ils sont parqués dans le bâtiment C. Et c’est pas la cour de récréation ! Le bâtiment C est le seul où toutes les portes de cellule sont fermées la journée. Dans ce mitard géant, les prisonniers sont enfermés dans quelques mètres carré 23 heures sur 24 et on ne peut téléphoner que sous la surveillance d’un maton ! Dans ce contexte de lutte pour la survie, la tentation est grande d’essayer d’être le plus fort dans cette loi de la jungle qui semble régner en prison. Mais de nombreux détenus font comme Christophe le choix de l’entraide et de la solidarité.

Aidons-les à notre tour !

[Nous n’enverrons pas cet article à Christophe car il serait saisi à la fouille, comme tout texte qui s’intéresse d’un peu trop près aux prisons, les cartes téléphoniques ou CDs.]

Pour lui écrire [1] : Christophe Biord - centre de détention « Les Vignettes » - n° 5113H - Bât 1.08 - Chaussée de L’Andelle - 27107 VAL-DE-REUIL Cedex

Notes

[1Christophe est enfin sorti de prison en mai 2006.