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Debout les gars réveillez-vous !

juin 2000


La lutte contre le patriarcat et le sexisme n’est pas qu’une « histoire de bonnes femmes » !

Depuis longtemps, des hommes se sont élevés contre l’oppression des femmes : Condorcet fut de ceux-là, mais aussi bien d’autres, anonymes ou pas. La Commune de Paris (1871) prononça l’égalité entre femmes et hommes. Certains hommes ont soutenu les femmes dans leurs revendications légitimes à l’accès aux droits politiques et économiques (droit de vote et d’éligibilité, droit au travail, à un salaire égal...), d’autres se sont investis dans le mouvement néo-malthusien pour le droit à l’avortement et à la contraception. Mais leur action se cantonnait, en gros, au soutien des revendications féministes, ce qui n’était déjà pas rien !

Par contre, pour ce qui est de la réflexion et de l’analyse de l’implication des hommes dans la perpétuation du système patriarcal, il faut attendre les années 1970 et l’émergence du M.L.F. pour que des hommes commencent à s’interroger et à agir. Cette prise de conscience aboutit alors à la constitution de « groupes d’hommes ». On y discute des rapports hommes/femmes, de la virilité, des rôles sociaux sexués, de la sexualité masculine, et de bien d’autres thèmes touchant à l’identité masculine. Ces hommes ont en commun le refus de l’aliénation et du conditionnement des hommes par le patriarcat, le rejet des stéréotypes et « valeurs » qui leur sont imposé-e-s (violence, compétition, mépris des femmes, des homosexuel-le-s, etc). Leur but est de remettre en cause, individuellement et collectivement, la place et le rôle des hommes dans la société. Tout cela est toujours d’actualité, et ces débats, réflexions et actions sont toujours mené-e-s.

Après la première « génération » de groupes d’hommes (peu nombreux mais actifs) qui vécut jusqu’au milieu des années 80, de nouveaux groupes sont apparus depuis une dizaine d’années, avec des approches diverses (thérapeutique, libertaire...). En Europe a été créé en 1997 le Réseau européen d’hommes proféministes, afin de mettre en commun les réflexions et actions antisexistes.

Ce type de « militantisme » reste encore, hélas ! assez (trop) marginal. En effet, bien peu d’hommes sont prêts à jeter au panier leurs privilèges (sociaux, sexuels, politiques, économiques...) et leur position de « mâles dominants » : quels avantages y auraient-ils ? Simplement celui de refuser d’être conditionné, de jouer un rôle dont on ne veut pas/plus, de pouvoir construire son identité et vivre sa vie comme on l’entend ; celui aussi de refuser de dominer, d’exploiter et d’opprimer (consciemment ou non) plus de la moitié de l’humanité ; enfin, et surtout, celui de participer à la construction d’une société où la liberté, l’égalité et la fraternité ne seraient pas que des mots gravés aux frontispices des édifices publics mais une réalité pratique et vivante ! Société qui n’aura pas l’ombre d’une chance d’exister tant que les hommes acceptent (et perpétuent) le fait que les femmes soient le « parent pauvre » de l’humanité, mineures à vie, exploitables, corvéables, violables et battables (entre autres ignominies) à merci. Alors, « debout les gars, réveillez-vous... » !

Laurent LALOY