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Fichage : Mais pourquoi sont-ils si méfiants ?

samedi 21 novembre 2009


Le mois dernier, l’Etat a ajouté deux petits décrets à la la longue et indigeste liste de textes qui régissent nos vies. Ce 16 octobre, la priorité était à la sécurité... et oui, c’est un scoop que nous vous proposons !

Les faits

Le 10 octobre, une manifestation anti-carcérale chauffe un peu et la machine politco-médiatique s’emballe instantanément : la menace terroriste est à nos portes ! L’événement sera le prétexte que l’Etat attendait pour annoncer la publication de deux décrets créant deux nouveaux fichiers de police. L’un permettra de répertorier des informations sur les personnes qui occupent des postes “à risque”, l’autre concerne les désormais célèbres et diaboliques bandes.

Le premier peut sembler un peu curieux lorsqu’on apprend qu’il concerne les flics, les bidasses (les méchantEs déguisés en fougères) et les travailleurEUSEs du nucléaire. Cependant tout s’explique si on lorgne un peu du côté de nos camarades yankees où les mêmes mesures ont été prises après... le 11 septembre 2001 ! Damned ! Les bloody terroristes sont chez nous ! Que les flics soient des terroristes ça n’est pas nouveau, mais c’est bien ce cadre général qui est important.

Le deuxième fichier est bien plus classique : il s’agit de collecter l’ADN de personnes dès 13 ans ainsi que des informations sur l’origine géographique, les activités sectaires, politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales. Les bandes sont dans le collimateur, soit : les “jeunes” (ceux qui ne sont pas très blancs et qui fument une clope à 3 en bas de leur immeuble), les militantEs politiques et syndicalistes qui ont oublié de déposer le parcours de la manif, les étrangerEs, etc. Bref, tou-te-s celles et ceux qui ne correspondent pas à la France qui s’enferme devant le journal de TF1.

La mise en place de ces fichiers permettra aux flics et autres RG de régulariser leurs pratiques de harcèlement et de contrôle sur une bonne partie de la population.

Une histoire qui ne date pas de Poitiers...

Le gouvernement Jospin (PS) avait déjà entamé le boulot en 1998 en élargissant le fichage génétique aux personnes mises en cause pour terrorisme [1]. La LSQ (loi de sécurité quotidienne) et la loi Perben II ont enfoncé le clou en faisant du refus de donner son ADN un délit passible de 1 an de prison ferme et de 15.000 euros d’amende. Ce sont les faucheureuses d’OGM qui ont morflé !

La loi de prévention de la délinquance en 2005 avait prévu le quadrillage des banlieues par la police et des sortes de milices (contrôle et délation encouragés) ; avec l’affaire Tarnac et le contre-sommet de l’OTAN à Strasbourg l’Etat s’est acharné sur les anarcho-giga-autonomes ; la fusion ANPE-ASSEDIC s’est occupée des demandeureuses d’emploi ; ajoutons à tout ça la destruction de la jungle de Calais et la chasse aux sans-papiers... Quel rapport ? L’Etat se sert d’épouvantails (terrorisme, fraude, mafia des passeurs) pour stigmatiser et contrôler par petits bouts l’ensemble de la population.

Et toi ? Tu flippes ?

La technique de terreur qu’utilise l’Etat permet non seulement d’installer la méfiance de touTEs contre touTEs (“est-ce qu’elle a la grippe ?” - “Il est barbu... c’est louche non ?”) , mais également - et c’est là toute la subtilité - d’invoquer l’unité nationale contre différentes parties de la population tour à tour. Les mots terrorisme ou “bandes organisées” matraqués non stop dans les médias suffisent à faire oublier les caméras et les contrôles policiers au faciès, la criminalisation des mouvements sociaux, le chômage qui explose, les crimes d’un Etat qui condamne à mort des réfugiéEs par l’expulsion, des patronNEs et des actionnaires qui s ’engraissent sur la précarité et l’exploitation salariale... La surenchère des superlatifs et l’omniprésence sécuritaire mettent le pays en état d’urgence perpétuel.

Mais comme diraient certainEs : si on n’a rien à se reprocher, pas de raison de paniquer ?

Tout est perdu ?

La solution pour nous n’est évidemment pas de s’isoler ou de se cacher car là la stratégie de la peur de l’Etat est gagnante. S’il peut se permettre d’avancer sur le terrain sécuritaire, c’est que soit la population dans son ensemble ne se sent pas concernée (ou visée), soit qu’elle se sent dépassée par le rouleau compresseur des libertés qu’est l’Etat “démocratique”. Puisque chacunE est concernéE directement par une partie de l’arsenal sécuritaire, faisons les liens, partageons nos expériences, lançons des luttes collectives car ce sont nos divisions qui nous font échouer. La lutte paie, pèse et la lutte fait ouvrir sa gueule !

Alors touTEs en choeur : LE SÉCURITAIRE NE NOUS FERA PAS TAIRE !

Notes

[1FNAEG : Fichier national automatisé des empruntes génétiques