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Honduras : la lucha sigue !

Honduras : la lutte continue !

samedi 21 novembre 2009


Retour aux années 1970 ?

Le 28 juin dernier le Honduras, pays d’Amérique Centrale situé entre le Nicaragua et le Guatemala a connu un coup d’état, un vrai, comme on en a vu pas mal en Amérique Latine dans les années 1960 et 1970. C’était encore le même scénario qu’à l’époque : un président en place essaye, de près ou de loin, de mettre en place des réformes assimilées aux politiques de gauche latino-américaines et l’armée qui le prend mal et qui renverse le gouvernement par les armes. Manuel Zelaya, le président élu, s’exile donc vers le Costa Rica et laisse la place à Roberto Micheletti, dit le Gorille.

Ce qui a gêné les militaires, c’est que Zelaya a proposé de mettre en place un sondage non-décisionnel sur l’éventuelle possibilité de modifier la constitution, pour mettre en place des réformes "progressistes" et par la même occasion lui permettre de rester un mandat de plus dans son fauteuil.

Les militaires de Micheletti n’ont pas supporté ce sondage et ont donc simplement pris le pouvoir. Et toute la presse internationale, française en tête, de commencer par dire que les militaires ne faisaient que défendre la constitution avant de timidement préciser (quelques semaines plus tard) qu’en fait c’était bien un sondage et pas une réforme qui était prévue, donc que la constitution n’était pas en danger. Par contre que la population soit en danger, ça, ça faisait pas la Une.

Bonnet Blanc et Blanc Bonnet

Le détail intéressant ici, c’est que les deux qui se battent pour la place en or sont en fait issus du même parti. Zelaya, qui se la joue progressiste et proche du peuple avec son chapeau de cowboy sur la tronche en permanence et ses gilets en cuir, appartient bien au même parti que la bidasse Micheletti. Et ce parti c’est le Parti Libéral.

Libéral, ici, c’est bien dans le sens qu’on l’entend par chez nous, ça veut bien dire anti-social, fan du capitalisme mondial et copain des USA. Le soudain changement d’orientation de Zelaya surfe très logiquement sur la vague de la gauche latino-américaine qui, à l’image de Chavez, réussit à changer les constitutions pour gagner des mandats suplémentaires.

On peut dire que les USA ont bien appris la leçon depuis la tentative de coup d’état au Venezuela en avril 2002. Cette fois ils ont condamné très vite le coup d’état pour faire plaisir aux organisations internationales.

Il n’empêche qu’ils n’ont pas laissé passer une seule occasion de contrôler tout ça en douce. Il est évident que la vague de gauche d’Amérique Latine ne plaît pas trop aux étasuniens qui préfèrent quand même avoir le contrôle sur ce qui se passe dans cette zone qu’ils appellent leur "arrière-cour". Au lieu de soutenir les militaires clairement, ils préfèrent jouer de leur influence. Par exemple, plusieurs membres du gouvernement militaire sont d’anciens élèves de l’Ecole des Amériques (Escuela de las Americas), centre de formation pour contre-révolutionnaires, futurs dictateurs ou putschistes en devenir depuis 1946. Obama s’est empressé de condamner le coup au nom de la démocratie et de la liberté mais n’a prévu aucun embargo alors que les patron-ne-s locaux soutiennent presque tous les militaires. La base militaire américaine installée sur le territoire du Honduras a continué à fonctionner et ça n’a gêné personne. Bonne opération de com’ pour un prix Nobel de la paix...

Toujours les mêmes qui trinquent

Dès le lendemain du coup d’état, la contestation est forte et les manifs se succèdent. Les routes sont bloquées et les militaires sont pris à partie. Evidemment ils n’attendent pas longtemps avant de répondre et la répression a fait plus de 20 mort-e-s jusqu’à maintenant. Le couvre-feu a été établi presque en permanence et le gouvernement de fait a déclaré plusieurs fois l’état de siège. Toutes les libertés des opposant-e-s ont donc disparu, les médias indépendants ont été fermés et réprimés, plusieurs centaines de manifestant-e-s ont été mis en prison, l’armée a violé de nombreuses femmes, les opposant-e-s publiques sont régulièrement menacé-e-s et tabassé-e-s. En plus de tout ça l’armée utilise des armes fournies par Israël ou les USA pour réprimer les manifestations.

Pour calmer la situation, le pouvoir national et international propose des négociations entre Micheletti et Zelaya. Les négociations sont arbitrées par Oscar Arias, président du Costa Rica, sous-marin habituel des négociations étasuniennes en Amérique Centrale, (prix nobel de la paix pour les négociations au Nicaragua en 1987 entre sandinistes et contres-révolutionnaires financés par les USA).

Le point de départ des négociations est l’égalité entre les deux camps et l’objectif clairement affiché est la création d’un gouvernement d’unité nationale, l’amnistie pour les deux camps et le retour de Zelaya au pouvoir. Cette position est soutenue pas les Etats-unis et l’ensemble de la communauté internationale. Comme Micheletti refuse catégoriquement de voir Zelaya reprendre sa place, une solution électorale est proposée : le 29 novembre auront lieu des élections avec 6 candidats mais sans Micheletti ni Zelaya.
Il ne reste plus au peuple qu’à s’organiser, à s’unir dans la résistance et la débrouille.

Des perspectives ensoleillées

Les premières manifs sont très spontanées et c’est l’indignation qui pousse tout le monde à sortir de chez soi. Avec la progression des militaires et la complication de la situation politique, les individu-e-s ressentent le besoin de s’organiser. Très vite se crée alors le Frente de Resistencia Popular (front de résistance populaire) regroupant des personnes et des organisations féministes, écologistes, de "gauche" etc.

Ce front a adopté différents modes d’action, au début il organisait des grandes manifs dans les villes principales du pays, puis face à la répression les manifestations sont devenues plus locales, par quartier.

Si au début la revendication principale était le retour de Zelaya au pouvoir, on a vite vu apparaître d’autres objectifs. Ainsi, en plus de la résistance frontale aux militaires, c’est tout le mouvement social qui s’est mobilisé. Les facs ont été occupées, les grèves se sont multipliées chez les profs, les hospitalier-e-s etc. et les syndicats ont appelé à la grève générale. De partout les individu-e-s s’organisent et dans un pays où la participation moyenne à l’élection présidentielle est de 47%, on n’a pas trop de mal à oublier le président et ses petits tracas. De fait, la quasi-totalité des groupes et individu-e-s mobilisé-e-s appellent au boycott des élections car ils et elles ont bien compris qu’il n’y avait rien à en tirer.

Au Honduras comme ailleurs, ni président élu ni président militaire ! Autogestion et émancipation du mouvement social et du peuple en général ! Ni Dieu ni Maître ni Etat ni armée !