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Djazair 2003

Année de réconciliation ou Françalgérie ?

mars 2003


Quarante ans après l’indépendance arrachée à l’État français, Alger et Paris célèbrent leur réconciliation. Mais la célébration prend un gout saumâtre et suscite de vives protestations.

Redorer le blason d’une clique de généraux corrompus

Dès l’indépendance, l’Algérie passe sous la coupe des gradés. Les revers frappent alors la population (30 % de chômeurs en 2002, pauvreté massive…) pendant qu’une minorité se goberge.

Rejetés, les oligarques se lancent dans une islamisation articulé autour du Code de la famille (1984) qui abroge l’égalité des sexes Las, les galonnés n’en restent pas là. Concédant le multipartisme en 1989, ils consacrent l’islamisme, lui « offrant » la victoire en 1991. C’est le prétexte pour restaurer la dictature ! Les généraux peuvent entrainer voire organiser la guerre civile qui ensanglante, l’Algérie (200 000 morts, collusion GIA-Sécurité militaire…).

Mais la ficelle intégriste a été trop tirée. Aussi, en 1999, les emmédaillés délègue la présidence à un civil. Élu malbré le boycott du scrutin, Boutéflika ouvre son gouvernement aux islamistes « modérés » et à l’opposition laïque. Il renforce l’affairisme par la privatisation à outrance et laisse nombre d’Algérien-ne-s sur le carreau. Qu’importe, généraux et patrons vont profiter de Djazaïr 2003 pour se bâtir une respectabilité.

Frères en barbouzerie depuis l’indépendance !

La clique au pouvoir, largement formée dans l’armée coloniale française, en a conservé liens et pratiques ! Avec l’aide de la France, toute enquête internationale sur les crimes commis depuis 1991 est ainsi bloquée. L’aide à la « maffia des généraux » (via les réseaux de la Françafrique : DST, réseaux Pasqua…) ne cesse pas malgré le rôle évident de la junte dans les attentats parisiens de 1995.

Et derrière les solidarités barbouzardes, on retrouve Elf pour cogérer la rente pétrolière ou Elf-Sanofi et Mérieux pour participer au détournement de médicaments.

Enfin, tout en courtisant les États-Unis, le gouvernement Boutéflika participe désormais ouvertement aux destinées de la Françafrique. Voilà bien de quoi sabrer le champagne et quid des milliers de morts ?

Loin des salons, un peuple en lutte

Acculé à la misère, le peuple algérien ne se laisse pas dompter et délaisse le jeu des élections d’où une abstention exponentielle (41 % en 1991, 80 % (98 % en Kabylie) en 2002).

Parmi les grands mouvements, celui des femmes apparait à la fin des années 70 contre ce qui devint le Code de la famille. Luttant contre la soumission, l’infantilisation, le bâillonnement politique… malgré les pressions du pouvoir et des barbus, allant jusqu’à la mort ou au viol, elles n’ont jamais déserté le combat. Au contraire !

Un autre mouvement part de Kabylie au printemps 1980 et reprend de plus belle au printemps 2001. La répression féroce n’en est pas venue à bout : 200 morts depuis avril 2001, arrestations sommaires, création ex nihilo d’un « bastion intégriste » dans la région…

Autonome, le mouvement est organisé en Aarchs où l’on pratique l’auto-organisation à la base (consensus ou majorité des 2/3 pour toute décision, révocabilité des mandats…) au-delà des questions identitaires, les Kabyles luttent contre la misère et la maffia des généraux. Aujourd’hui, la plateforme d’El-Kseur (11 juin 2001), non négocialbe, leur sert de revendication minimale. Rejoints peu à peu dans leur combat par tout un peuple en lutte, l’Algérie pourrait bien finir par renverser ce régime corrompu bien qu’aucun de ces mouvements ne se déclare révolutionnaire.

Loin des cérémonies d’une Françalgérie nauséeuse, soutenons celles et ceux qui combattent barbus et barbouzes pour une société égalitaire !