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Retraites

Travailler plus pour gagner moins ?

samedi 8 février 2003


Le gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy a annoncé son intention de mener une réforme des retraites qu’il qualifie d’indispensable avant le début de l’été.

À la clé : allongement de la durée de cotisation, baisse des pensions et introduction d’une nouvelle dose de capitalisation.

L’imposture démographique

Aujourd’hui, en France, la part des retraites dans le Revenu national brut (RNB) est de 12 %.On nous annonce qu’en 2040, avec l’augmentation du nombre de retraités, cette part devrait atteindre 15 ou 18 %. Bigre ! On oublie de nous dire qu’elle n’était que de 4 % en 1960. Elle a donc triplé sans douleur pour l’économie en 40 ans. Cette augmentation des retraites, si elle fut financée par une augmentation de la productivité, s’inscrivait dans un mouvement de grignotage général des revenus du capital par les salaires (car les retraites, ce sont des salaires... socialisés). Mouvement qui s’est inversé depuis 20 ans.

Aujourd’hui, ce qui menace les retraites, ce n’est pas la démographie, c’est l’avidité des détenteurs du capital, c’est la faiblesse du mouvement social grâce auquel elles avaient été gagnées.

En construisant pierre après pierre (sous Balladur, Juppé, puis Jospin) un système de retraites par capitalisation, patrons et banquiers rêvent de mettre la main sur un formidable pactole - 168 milliards d’euros annuels - pour le jouer en bourse en notre nom.

Non à l’augmentation de la durée de cotisation !

Chirac et Jospin ont signé en mai dernier à Barcelone un engagement européen à l’allonger de 5 ans. Sachant que de plus en plus de salariés se retrouvent déjà en pré-retraite forcée ou au chômage sur leurs dernières années d’activité. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une diminution programmée des pensions versées, outre le fait que l’allongement de la durée d’activité est en elle-même une régression sociale majeure.

Les cotisations sociales ne sont pas des « charges » mais une part de notre salaire !

La doctrine économiquement correcte appliquée par les gouvernements dans toute l’Europe, c’est celle de la « diminution des charges ». Droite et gauche sont d’accord pour mettre en oeuvre cet horizon indépassable de la pensée néolibérale.

Mais ce dont il s’agit, ce n’est ni plus ni moins qu’une brutale baisse des salaires et une mise en faillite des caisses de retraites. Car les « charges », ce sont nos salaires socialisés que doivent payer les détenteurs du capital. Elles ne devraient pas diminuer au profit des patrons, mais augmenter au profit de toutes et tous !

Non aux retraites par capitalisation !

Les retraites par répartition, socle de la solidarité intergénérationnelle, consistent à mettre en commun une partie des salaires pour payer les pensions de tou-te-s.
Avec les fonds de pension - quel que soit le nom adopté - les chantres du MEDEF proposent de confier des cotisations personnelles à une compagnie d’assurance (ou à notre propre employeur) qui les placera en bourse.

La capitalisation des retraites est dangereuse à plusieurs titres : totalement individuelle et inégalitaire, à la merci d’un crack boursier ou d’une faillite (Enron), concurrente du système par répartition car financée sur les salaires...
De plus, elle fait de chaque salarié son propre exploiteur.

Le système existant n’est pas exempt de critiques :

Il est profondément inégalitaire et de plus en plus de personnes doivent se contenter du minimum vieillesse. De plus, il est géré en cogestion par les syndicats et le patronat, même si ce dernier boude aujourd’hui. D’autre part, la plupart des bureaucraties syndicales participent déjà à la gestion des fonds de pension existants, qualifiés d’« éthiques », et revendiquent d’être associées aux fonds éventuellement créés.

Réformer les régimes existants ? Bien sûr ! Mais pour l’égalité économique et sociale !

Faire évoluer le système des retraites par répartition dans le sens d’une plus grande égalité, c’est possible. L’égalité que nous préconisons n’est certes pas compatible avec ce système économique et social, basé sur l’exploitation et la domination, mais sur un réel partage des richesses et l’autogestion. Pour autant, il nous faut utiliser chaque occasion pour nous en approcher : concernant les retraites, il est ainsi nécessaire et réaliste de relever le niveau des pensions les plus basses, de revenir à 37,5 annuités de cotisation maxi, de permettre une retraite complète dès l’âge de 60 ans...