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Vive le sabotage !

mercredi 17 décembre 2008


Le 11 novembre 2008, 10 personnes sont arrêtées à Tarnac et aussitôt, toute la presse annonce que ce sont les auteurs des actes de sabotage qui ont causé de nombreux retards de trains le week-end précédent.

La France est rassurée et la propagande anti-terroriste du gouvernement commence : Ces jeunes vivant en communauté dans un petit village tranquille étaient en fait d’odieux anarchistes « d’ultra gauche » en lien avec le réseau terroriste européen !
Le contexte

Michelle Alliot Marie sait de quoi elle parle : le groupe était soi-disant suivi de très près par la police depuis 6 mois. En effet, suite aux quelques affrontements entre flics et une partie de la population couronnant la victoire de Sarkozy aux dernières élections présidentielles, le gouvernement n’en peut plus des “jeunes gauchistes”. Pire encore, le dernier sommet de Vichy concernant les politiques européennes de contrôle de l’immigration le 4 novembre a été le théâtre de nouvelles rixes entre les forces de l’ordre et “les casseurs” dénoncés à l’unisson par les organisateurs officiels. Trois policiers blessés et une trentaine d’arrestations, les choses ne pouvaient en rester là : il fallait vite trouver des boucs émissaires, le terme “casseurs” n’étant peut-être plus assez effrayant pour la France maintenant habituée à ce genre d’événements.
C’est donc la faute aux “anarcho-autonomes”, “anarchistes de gauche” et autres “extrémistes d’ultra gauche”.

La mascarade

C’est là qu’interviennent nos anarchistes “anti-technologie” (selon un spécialiste sur France Info). Ils seraient de source sûre les auteurs des sabotages de caténaires SNCF faits avec des fers à béton. Les preuves ? Et bien sachez que ceux-ci avaient les horaires de trains chez eux, un manuel d’escalade et comble de tout : de la littérature anarchiste. Malgré le délit d’opinion à peine caché, les coupables sont trouvés. La presse s’efforce de découvrir qui sont ces mystérieux anarchistes et l’on a droit à un magnifique travail d’explication de ce qu’est l’anarchisme, l’anarcho-syndicalisme et plus rarement l’autonomie qui certes semble documenté mais fait toujours marrer le premier ou la première qui y regarde de plus près ! Les journaux de gauche essaient de relativiser les faits, Mélanchon (Parti de Gauche) ira même jusqu’à soutenir le droit à être anarchiste (il faut bien qu’une fois de temps en temps ils ne racontent pas exactement la même chose qu’à droite) mais il s’agit bien dans tous les cas de terroristes.

Lorsque le 2 décembre la cour d’appel de Paris ordonne la remise en liberté de 8 des personnes arrêtées, rien ne va plus : la police perd la face et les nombreux rassemblements et les initiatives de comités de soutien sont à leur tour réprimés.

Les « soutiens »

Le plus révoltant dans cette histoire n’est pas tant la réaction de l’Etat qui aura les anarchistes dans le pif jusqu’à son abolition, mais bien la réaction des syndicats présents à la SNCF. Un grand Ouf ! est poussé en cœur lorsque la police révèle que les cheminots ne sont pas dans le coup. La question n’est pas ici de juger de la pertinence des actions menées en novembre dernier mais de dire stop une bonne fois pour toute à ce déluge d’amalgames crapuleux de la part de l’Etat et honteux de la part des centrales syndicales.
Le sabotage n’est pas du terrorisme !

L’occasion était trop belle pour l’Etat, et les syndicalistes ont foncé tête baissée : dire que le sabotage est du terrorisme, c’est préparer le terrain à une répression féroce des prochaines grèves dures, c’est piétiner l’héritage de la classe ouvrière et ses moyens de lutte historiques, c’est faire rentrer dans le crâne des salariés à grand coups de pompes qu’une grève ça se fait sans dégâts, en prévenant à l’avance pour pouvoir être remplacés et surtout que ça se négocie avec les spécialistes dans les bureaux. Car l’enjeu est bien là : le sabotage, c’est l’action directe à l’état pur.

Rédigé par Emile Pouget dans les années 1910, le livre Le Sabotage a été un classique de la littérature anarcho-syndicaliste, mouvement de grande ampleur au sein de la vielle CGT du début du siècle. Dans ce livre, l’auteur rassemble toutes les pratiques qui tendent à ralentir la production, résister, se faire entendre par les exploiteurs.

Le sabotage, c’est travailler “comme à coups de sabots”, dit-il. Comme l’action directe, il n’est donc pas nécessairement violent. Cela peut être le “go canny” anglais (vas-y mollo !) ou l’expression “à mauvais salaire, mauvais travail !” La grève du zèle ou l’art d’appliquer les règles jusqu’à l’improductivité, le boycott, la mise hors service des machines sont autant d’outils que s’est donnés la classe ouvrière pour résister et agir sans délégation, de façon directe. Le sabotage, c’est le moyen que se donnent les travailleurs de ne pas se soumettre ni aux patrons, ni aux directions syndicales qui ne pourront jamais adopter de telles méthodes tant qu’elles iront parader devant les ministres et passeront des accords qui trahissent les intérêts des travailleurs.

Le sabotage c’est se réapproprier son outil de travail, c’est révéler l’importance de tout employé, car quand il cesse de se soumettre, rien ne va plus ! Le sabotage c’est un siècle de pratiques syndicales, de piquets de grèves et d’émancipation par l’action, c’est la prise en charge de l’avenir des travailleurs par eux mêmes. Alors si cela c’est terroriste, nous en sommes !

sur le net : www.soutien11novembre.org/

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