L’urgence écologique. Voilà un thème dont on nous rebat régulièrement les oreilles depuis vingt cinq ans, sans pour autant que les véritables maux du réchauffement climatique et des pollutions en tous genres soient mis au jour. Constaté depuis les années 50, le seul phénomène du réchauffement climatique est aujourd’hui source des diagnostics les plus alarmants : fonte des glaces et augmentation du niveau des mers, disparition en l’espace d’un siècle des trois quarts du couvert forestier mondial, surexploitation des sols, impact lourd sur les climats et la biodiversité, augmentation des risques d’inondation et de sécheresse, accélération des processus de désertification, migrations climatiques et nouvelles sources de pauvreté, etc.
Pour autant, le cirque “écologiste” grand-guignolesque de nos politicienNEs ne rassure personne. Il relève plus de la mise en scène que d’autre chose. L’exemple français est pour cela très révélateur : avec l’élection de Sarkozy et la création du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire, on a vu débarquer le ponte Borloo au poste de n°2 du gouvernement, histoire de manifester une volonté d’action de l’État. Et en politique publique, manifester une volonté, c’est déjà beaucoup… faut pas trop en demander à l’appareil administratif. Et puis, il y a eu le Grenelle ! Ce magnifique souvenir de la “réconciliation” républicaine post soixante-huitarde, que l’on ressort pour mettre tous les “partenaires sociaux” autour de la table. Histoire de parachever le spectacle au parlement, gauche et droite réunies votent, main dans la main, un ensemble de mesures visant à trouver le juste équilibre entre réduction des émissions de CO2 et poursuite des logiques productivistes… autant dire mission impossible. Et pour que la magie soit totale, on n’oubliera pas de mobiliser l’industrie du cinéma, qui recycle le catastrophisme pour en faire les toiles de fond de ses block busters : Le jour d’après, les fils de l’Homme etc. Le catastrophisme c’est beau sur des écrans de cinéma et tant que ça n’emmerde personne… et/ou aussi pour quelques vedettes has been du show politique à la Al Gore.
De l’utilité économique du réchauffement climatique
Toujours est-il qu’il n’y a eu qu’à éplucher le Grenelle pour se rendre compte de l’ampleur du mensonge. Parce qu’à côté du soutien aux politiques de la ville en matière de transports (pour lesquelles 2 milliards ont été versés sur les 15 promis…), le Grenelle, c’est aussi tout un tas de mesures contradictoires : développement de l’aviation low cost et soutien aux transporteurs routiers (rien ne peut aller à l’encontre des “lois immuables du marché”, n’est ce pas ? ), promotion de l’habitat “écologique” et des nouveaux crédits censés nous permettre d’installer nos panneaux solaires… pendant que le nucléaire fait loi. Sans oublier le sacro-saint bonus écologique pour l’achat des grosses voitures ! Depuis Kyoto, et les premiers “permis de polluer”, rien de nouveau : l’argument écologique devient le prétexte à étendre les logiques du marché et à introduire quelques nouvelles variables à l’intérieur des valeurs boursières. Quelle multinationale cotée en bourse n’a pas aujourd’hui sa charte de qualité environnementale ? En tout cas c’est sûr, les choix économiques faits lors du Grenelle ne sont pas neutres et le lobbying des grosses machines industrielles paie toujours aussi certainement.
Et puis le capitalisme a sa manière propre de faire cohabiter dégradation de l’environnement et croissance économique. Polluez très cherEs, nous développerons grâce à vous de nouveaux secteurs rentables ! Que penser par exemple de ces privatisations de terres opérées au cœur du Costa Rica, du Mexique ou du Chili, dans le but de faire débouler les riches touristes occidentaux ? Un petit golf au milieu de la jungle, très cherE ? L’idée est là : puisque tout ce qui est rare est cher, accéder à un petit coin de verdure ne devrait être réservé qu’aux plus riches d’entre nous. Business is business. But business is politic too ! Et pour faire valoir les rentes à venir, les dispositifs juridiques des États sont aussi là pour procéder au découpage du gâteau. Prenons seulement un exemple : celui de cette lutte invraisemblable que se livrent le Canada et les États-Unis à propos des eaux territoriales de la mer de Beaufort, dans la région de l’Océan glacial arctique. Le réchauffement climatique va y ouvrir d’ici une vingtaine d’années une nouvelle voie maritime que les plus gros cargos pourront emprunter, permettant de passer d’un océan à un autre tout en restant dans l’hémisphère nord ! Et ce n’est pas tout, la région arctique apparaît, en-dessous de la banquise comme une région riche en pétrole, gaz et diamants…
Pas d’écologie sans sortie du capitalisme
A côté de ça, on continue de dissimuler le fond du problème, de façon à épargner les logiques productivistes. Parlons par exemple du vaste mouvement de remembrement des terres à l’œuvre dans les années 50 en France. Une fois encore, le jeu du marché a joué en faveur d’une concentration accrue de la production. Et encore une fois, ce choix fut politique : à cette époque, on envoyait même des agents du ministère dans les fermes reculées d’Auvergne pour dispenser des leçons de productivité. Et ce faisant, on entérinait définitivement les mécanismes de dépassement des rythmes biologiques, de pollution des rivières, etc. Aujourd’hui, tout cela est effacé : le/la paysanNE françaisE est priéE de revenir à une production de “qualité”, et de soutenir la concurrence, coûte que coûte et quelLE qu’ille soit.
Au risque de paraître rédhibitoires, nous aurions du mal à ne pas voir les logiques de classe à l’œuvre ici aussi : qui bouffe de la merde parce que la bouffe bio coûte la peau du cul ? Qui risque de se voir interdire bientôt l’accès aux centres-villes, parce qu’emprunter la voie publique deviendra, sous peu, le prétexte à des taxations juteuses ? Où se trouvent aujourd’hui les plus grandes décharges mondiales où s’entassent les cadavres de la société de consommation ? Pardi, je vous le donne en mille ! Le marché et ses garantEs continuent de faire reposer le problème sur les épaules individuelles du/de la consommateur/rice, censéE payer pour son empreinte écologique. Mais de qui se moque-t-on ? De nous, pardi !
En toutes circonstances, l’argent reste le nerf de la guerre… jusqu’au jour, peut être, où on se rappellera que l’argent ne se mange pas. Parce qu’en attendant, le productivisme continue de faire des ravages. Qui aura eu l’occasion de voir des documentaires comme We feed the world ou autres, aura pu toucher du doigt là où ça fait mal… et là où nos gouvernantEs ne pourront jamais se permettre d’intervenir. C’est parce qu’il y a du profit à la clef que Monsanto a développé les premiers engrais périssables et aliène des milliers de paysanNEs à ses merdes génétiquement modifiées. C’est parce qu’il y a des points de croissance à la clé que les industries se doivent de produire à toute berzingue et que nous sommes censéEs consommer toutes les merdes que nous vend la publicité (y paraît que c’est même un indicateur de notre moral !). Et c’est parce qu’il y a un processus de mondialisation de la production, commencé sous la contrainte avec la colonisation, que des agricultures vivrières ont été sapées en Afrique et en Amérique du Sud et que des paysanNEs vivent aujourd’hui dans une misère absurde un peu partout dans le monde.
Un peu de macro-économie suffit à mettre au jour les contradictions sociales du capitalisme. Mais ne tombons à notre tour dans le mythe de l’équilibre “naturel” du marché, ces contradictions ne veulent pas dire que le système va défaillir de son seul chef. Le capitalisme va seulement continuer à dispenser ses effets anti-sociaux et à foutre en l’air la planète aussi longtemps qu’il perdurera. Pour l’instant, noyer le poisson suffit. Mais tant qu’illes auront leurs gardes-fous, les privilèges insensés de quelques-unEs continueront d’être défendus par nos décideurs politiques, même si cela doit passer par la mise en place de régimes autoritaires.
Face à cela nous avons des propositions et un constat. Sans consommateur.rices.s, plus de marché : c’est dans l’alternative pratique que se trouve la parade au productivisme et à ses dégâts. L’idéal étant de pouvoir enfin produire nous-mêmes, en calquant une bonne fois pour toutes la production sur nos besoins, c’est à dire en faisant de l’économie l’outil qu’il devrait être et non pas la menace qu’il constitue aujourd’hui, et ce à tous les égards. Et pourquoi, par exemple, ne commencerions-nous pas par partager les richesses, au lieu de balancer nos tonnes d’invendus ? Partager les denrées produites, c’est déjà permettre de produire moins ! Mais j’y suis ! Une vulgaire histoire de manque à gagner pour ceux qui nous enchaînent…