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Le Discours et la méthode

février 2001


La majorité socialiste lilloise, dans un magnifique exercice d’autosatisfaction, tire un bilan on ne peut plus positif de son action en faveur de la décentralisation municipale (conseils de quartier et Conseil communal de concertation). Pour aller plus loin encore dans la modernisation de la démocratie locale, l’équipe Aubry propose comme clé de voute de son futur mandat d’aller vers « plus de concertation, plus de participation, plus de citoyenneté ». Ce cadre général prône « une ville riche de ses diversités » et « une ville qui informe les citoyens ».

Les habitant-e-s de Moulins ont donc reçu une invitation à participer à une réunion publique se tenant le lundi 12 février 2001 à 20 heures salle Courmont afin de rencontrer « Martine » sur le thème : « Vivre à Lille : quels projets pour la ville — quels projets pour votre quartier ».

Une réunion publique est, jusqu’à présent, semble-t-il, une réunion ouverte à tout-te-s. Les services de police et les vigiles du PS ont pourtant réadapté cette définition en rendant son accès plus... sélectif. Nombreuses sont les personnes qui, ayant tenté de rentrer, se voient empêchées d’accéder à la salle ; d’autres, rentrées individuellement, se font même sortir par des séides de la préfecture… Et ce préalablement à l’arrivée d’une délégation de sans-papiers. La justification est claire : « Votre démocratie on la connait. Les soutiens des sans-papiers dehors ! »… Être soutien de la lutte des sans-papiers, militer pour la libre circulation et la libre installation des individu-e-s, est en soi un motif de bâillonnement et d’exercice autoritaire de la censure au sein des discussions organisées par Mme Aubry et les membres de la liste « Vivre Lille ». Gageons que l’observation photo-vidéo pratiquée ces derniers mois par les services de la préfecture au cours de diverses manifestations (sans-papiers, contre l’arrêté anti-alcool—anti-SDF…) a facilité l’exercice de ces délits de faciès caractérisés.

À l’arrivée de la délégation de sans-papiers que Martine Aubry, niant leur lutte sociale nommera « agitateurs », les portes se ferment. Privé-e-s d’accès à la réunion publique, les sans-papiers, après vingt minutes d’attente et de manifestation, prirent l’initiative de se replier place Vanhoenacker afin de laisser libre accès aux habitant-e-s du quartier. Les officiel-le-s bloqué-e-s par la fermeture de la porte rentrent donc sous protection policière. Quelques soutiens aux sans-papiers sont parvenu-e-s, néanmoins, à accéder à la sacro-sainte enceinte de la « participation citoyenne » voulue par le PS lillois et ont pu interpeller les candidat-e-s de la liste commune du PS, PC, MDC, MRG et personnalités.

Depuis septembre, à chaque question posée sur le thème des sans-papiers, les responsables du PS rétorquent que les méthodes de ceux-ci sont violentes. Les boulettes de papier et autres « petites monnaies », ironiquement lancées vers un cortège socialiste lors de la dernière braderie de Lille, s’étaient déjà transformées en canettes. Elles sont devenues, ce lundi, des pierres dans les propos de Mme Aubry. À quand les pavés ?

De quelle violence s’agit-il ? La répression systématique de toute tentative de mouvement social par des forces de l’ordre au service du pouvoir politique démontre, pour reprendre les termes de Martine Aubry, « une différence de moyens ». Le 25 janvier dernier, après plusieurs années de revendications sociales, dans un mouvement pacifique, les pompiers manifestaient pour obtenir des moyens supplémentaires pour un service public de qualité. Pour toute réponse, des CRS leur ont opposé des tirs tendus de grenade… Des CRS aux ordres de messieurs Pautrat (préfet) et Mauroy, dans la ville que Mme Aubry, rappelons-le ex-ministre du Travail, de l’emploi et de la solidarité, souhait gérer. Bilan : une main arrachée côté pompiers. Bel exemple de démocratie ! Dans une même logique répressive, ce 12 février, une cinquantaine de CRS et trente policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC) se faisaient les cerbères de l’ « Antre Sacrée » de madame Aubry. Idem mercredi 14 février, dans le quartier Bois Blanc, à nouveau dans le cadre d’une « discussion » orchestrée par Mme Aubry et ses sbires, dont l’affection pour le bleu va croissante… Après les tracts, le site Internet, c’est le bleu des uniformes qui remplit notre ville : l’ensemble du quartier a été surveillé, gardienné, contrôlé par des forces armées de police, sortir du métro à Bois Blanc était interdit par des cordons de CRS.

De quelle violence s’agit-il ? Une campagne électorale réclame-t-elle ce type de contrôle de la ville ? L’exercice de la démocratie pour les Aubry, Mauroy et consorts se base sur l’appui d’un dispositif policier digne d’une guerre civile. Ils nous prouvent chaque jour leur refus de débattre directement avec la population. Ils nous montrent qu’ils ne sont rien sans la présence de forces armées à leurs ordres, les protégeant dans leur tout d’ivoire. De quelle violence s’agit-il ? En quoi est violente une lutte citoyenne d’hommes et de femmes pour l’obtention de papiers, pour circuler et s’installer librement ? En quoi est-il violent de le proposer, de le dire, de le crier, de le soutenir et d’affirmer la volonté de l’obtenir ?

Des soutiens aux sans-papiers : Caro, Jef, Fred, Fra