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Vous avez dit "crise" ?

lundi 23 juin 2008


Les pâtes, le riz, le pain augmentent. Ça commence à se savoir, le " pouvoir d’achat ", principale promesse du candidat Sarkozy devenu chef de l’Etat, ne cesse de diminuer… et l’on voudrait tant que la droite tienne ses promesses. C’est en tout cas ce que nous déclinent sur tous les tons et sur tous les modes, calculette à l’appui, " opposition ", syndicats, associations de consommateurs et pleurnicheries médiatiques relatives à la " crise " financière actuelle.

Bien sûr, la baisse du pouvoir d’achat est révélatrice de la dégradation du niveau de vie et des envolées aléatoires du capitalisme. Mais s’en arrêter à ces simples constatations n’a rien de bien subversif. Elle est surtout le reflet de ce que sont réellement nos salaires. Non pas une rétribution sociale, mais une variable économique nous laissant plus ou moins de marge pour subvenir à nos besoins en fonction du cours du pétrole. Autant dire qu’ils ne pèsent pas grand chose. Ainsi, l’actuel débat sur le pouvoir d’achat ne doit pas nous faire oublier le principal : l’iniquité du système économique dans lequel nous évoluons. Le pouvoir d’achat, c’est le pouvoir de consommer et donc d’enrichir patrons et actionnaires. C’est également le pouvoir de se soulager en cédant à la propagande marketing, le pouvoir de nourrir la croissance capitaliste, le pouvoir de polluer. En fait, depuis la suppression de l’esclavage, le marché a autant besoin que nous que nous disposions d’un fond de monnaie dans nos poches. Histoire que par l’intermédiaire de ses différents temples de la consommation, l’argent termine son cycle et revienne dans les poches du capitaliste. Il y a d’ailleurs quelque chose d’erroné dans l’expression même : il n’existe pas tant un pouvoir d’achat qu’une obligation d’achat pour tous ce qui concerne notre vie matérielle ; et cette constatation ne souffre a priori d’aucun domaine réservé. En tout cas, tant que nous accepterons que notre vie matérielle soit régulée par le marché et le règne de la propriété privée. C’est à dire tant que nous aurons besoin des supermarchés pour nous nourrir et d’enrichir un-e proprio pour nous loger, au lieu de nous servir et de distribuer nous-mêmes.

Nous ne voulons pas plus de pouvoir d’achat, nous voulons tout et tout de suite !

Vous allez dire, quelle mauvaise foi : le pouvoir d’achat c’est avant toute chose la capacité de subvenir à ses besoins fondamentaux ! Et c’est vrai. Mais poser la question de la subsistance matérielle en termes de baisse du pouvoir d’achat c’est oublier les présupposés économiques. Et c’est oublier que dans toute logique sociale cohérente chacun-e devrait en toutes circonstances être assuré-e du nécessaire en fonction de ses besoins… au lieu d’être la proie des envolées spéculatives des actionnaires et de leurs courtiers.

Revendiquer plus de pouvoir d’achat sans remettre en cause la valeur travail par exemple, c’est faire le jeu de la logique salariale, de sa hiérarchie entre individu-e-s et de son chantage à l’existence. Car le salariat n’est rien d’autre qu’une situation de soumission, devenue passage obligé pour survivre.

Bref, le problème de la " crise ", tel qu’il est posé actuellement, ne questionne pas le capitalisme, et c’est bien là le problème. Dans le soi-disant débat ouvert, nous en restons aux fallacieuses maximes : " tout travail mérite salaire ", et son corollaire : sans travail, l’indigence. De quel pouvoir d’achat un-e Rmiste, un-e sans abri, peut-ille se prévaloir, alors que ses allocations, s’ille en touche, ne sont même pas indexées a minima sur l’inflation ? A croire que la question ne se pose même pas : hors du travail, point de salut.

Ce sont là des logiques de patron-ne-s que l’on ne questionne même plus. Posons la question autrement. Réaffirmons que oui, en système capitaliste, il faut être solvable pour se nourrir, se soigner, se loger, s’habiller et partir en vacances et que cela est une aberration. Que les pâtes coûtent 0,1 centime où 5 euros le kilo, c’est du pareil au même ou, en tout cas, cela ne change rien à la logique de fond. Le système capitaliste se fout complètement de l’intérêt social qu’il sacrifie pour la jouissance d’intérêts privés. A l’inverse, il phagocyte nos besoins élémentaires pour en faire un marché susceptible de dégager une plus-value qui engraissera le-la premier-ère bourgeois-e venu-e. A quoi cela rime-t-il de parler de pouvoir d’achat au regard de tout ce que l’on produit et de tout ce que l’on jette chaque jour ? Les richesses elles, elles existent en toutes circonstances, et y’a qu’à se servir. On ne spécule pas sur du vent, que je sache ! Quelle morale sociale peut être assez absurde pour nous laisser crever de faim alors qu’il n’y a jamais eu autant de richesses produites dans nos pays ? A qui profite le crime ? Pas besoin de chercher bien loin.

Tant qu’il y aura de l’argent il n’y en aura pas pour tout le monde !

Il serait pourtant tellement plus simple de proclamer à chacun-e selon ses besoins. Et cela sous-entend également dépasser l’inégalité nord-sud qui pousse les travailleur-se-s des pays en " développement " (capitalistiquement parlant) à vendre pour que dalle leurs productions vers les marchés occidentaux. Car si nous réclamons plus de pouvoir d’achat, c’est bien pour pouvoir nous payer la bouffe retirée de la bouche d’un-e autre et nous la farcir à sa place. La dépendance économique est ainsi transversale : elle oppresse le travailleur mais encore plus le travailleur des pays pauvres, victime de la division mondiale du travail.

Dans la résolution du schmilblick, encore une fois, on voit à l’heure actuelle deux logiques antagonistes s’affronter. Un peu partout, les salarié-e-s de chez Coca Cola ou La redoute par exemple, s’inscrivent fort logiquement dans la logique des luttes ouvrières en revendiquant des hausses de salaires. Loin du " travailler plus pour gagner plus " et de sa morale de classe, on se rapproche un peu plus de la question centrale : celle du partage des richesses. Dans la région parisienne, ce sont les travailleur-se-s sans-papiers qui sortent de l’ombre pour refuser la clandestinité structurelle dans laquelle illes sont censé-e-s vivoter. En face, il y a la logique des nervis du capitalisme, de Christine Lagarde et de son ministère, qui se servent de la crise pour ne rien remettre en cause : plus de supermarchés, plus de concurrence dans les campagnes, youpi youpi, c’est le libéralisme qui repart de plus belle. Et Edouard Leclerc qui kiffe grave sa mère.

Relancer ou sortir du capitalisme,
à nous de choisir.