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A quoi servent les clichés ?

Edito du 8 pages de Zero de conduite sur les luttes des sans-papiers - été 2007

samedi 21 juillet 2007, par zero


Inspiré de la préface de tahin party dans, France Afrique, le crime continue de françois-xavier Verschave.

Dans l’imaginaire collectif, la question de l’immigration reste un vaste fantasme sans réel visage : on pense facilement à des maghrébin ne s (et donc musulman-e-s, raccourci trop facilement établi) que l’on intégrerait volontiers si la conjoncture économique n’était pas si mauvaise. Mais cela n’est pas le cas et du coup, ‘va bien falloir les expulser même si ça pose quelques problèmes d’éthique. Pas de quoi épiloguer : les français-e-s d’abord. Le passage vers une « immigration choisie » fait caisse de résonance avec une soit-disant « immigration subie ».

Le premier stéréotype dont pâtissent les migrant-e-s est cet « immigré », souvent décliné au masculin, qui n’a ni profil individuel, ni histoire personnelle mais qui est envisagé uniquement dans son habit de « voleurs de travail » et donc de problème pour la société nationale. Voilà une première réduction de l’individu-e aux exigences économiques, acquise dans l’univers mental du bon petit patriote tricolore (mais républicain, bien entendu !). Voilà établie aussi la rivalité entre travailleurs et la xénophobie devenues lois depuis quelques années (mais toujours républicaine, hein !).

Cette vision occidentale de l’immigration, qui, pour se justifier, oppose culture contre culture et invoque des problèmes d’intégration communautaire est directement issue du racisme hérité de l’époque coloniale. Le schéma n’a pas changé : la France demeure imbue d’une supériorité établie selon ses propres critères, en revêtant l’apparat d’un pays « généreux et porteur de progrès ». Mais malgré toute sa bonne volonté, le pays ne peut se permettre trop de laxisme s’il veut tenir son rang et son prestige.

(« Impossibilité d’accueillir toute la misère du monde » dans la bouche du Parti Socialiste). Alors que sa politique coloniale et néo-coloniale en Afrique compte parmi les plus meurtrières que compte ses 50 dernières années, la France conserve, aux yeux de l’opinion internationale, l’image fantoche de pays des « droits de l’Homme », et demeure convaincue que le reste du monde ne peut se passer de ses Lumières.

La bonne conscience de l’opinion s’appuie sur une complaisance dans le non-savoir, dans le refus de donner une réalité sociale et un véritable visage à la précarité et à la misère infligées aux immigrées de toutes les origines. Moins on en sait, moins on en voit, mieux on dort, c’est bien connu. L’ignorance est savamment orchestrée dans les médias, où il n’est jamais question que de chiffres et de quotas. Ne pas humaniser ce dont on ne veut pas entendre parler, voilà le mot d’ordre. Et c’est toute la société française qui passe sous silence les sales coups de l’Etat et de sa police pour mieux féliciter Lillian Thuram d’avoir payer des tickets à des jeunes sans-papiers pour le stade de France.

En omettant les choix faits à partir de mensonges, en refusant d’en voir les conséquences et en cultivant un mythe national nauséabond, voilà comment on construit collectivement l’auto glorification de la société nationale et de son économie, loin des tourments des sans-papiers qui peuvent dès lors se résoudre à la clandestinité et à un patronat sans remords.