Mesdames et messieurs les humanistes, la torture ne s’aménage pas, elle se supprime. Les longues peines sont une forme d’élimination sociale, une mort lente à peine déguisée, de la vengeance pure, le message adressé au corps social, aux prolos et sous-prolos, aux travailleurs pauvres, aux fins de droits, à tous les exclus qui auraient quelques velléités d’émancipation, d’une non-acceptation.
Né en 1955, Thierry Chatbi a connu la maison de correction, puis des centres pour jeunes détenus pendant son adolescence. Par la suite, il a été enfermé dans des maisons d’arrêt avant d’aller pourrir dans des centrales de haute sécurité.
Sa singularité, c’était sa lucidité ; il savait ce monde gouverné par et pour les nantis et ne voulait pas trimer pour quelques miettes.
Très jeune, il a opté pour l’illégalité, au risque d’être enfermé. Thierry Chatbi a payé ce choix au prix fort : plus de vingt-cinq ans de prison.
Son refus de se faire exploiter s’est mué en refus de se soumettre au code pénal et à l’administration pénitentiaire.
Pendant de longues années, il s’est battu, préparant des évasions, prenant une part active aux mouvements de prisonniers des années 1980. Son engagement l’a conduit à passer plus de treize ans dans les quartiers d’isolement, dont il n’a cessé de dénoncer l’existence. Thierry Chatbi avait une haute idée de la liberté. à tel point qu’après son ultime sortie de prison, il s’est suicidé en 2006, préférant la mort au renoncement et à la soumission que cette société impose à ceux qui ont passé des décennies dans les geôles de la République.