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La Décadence sécuritaire

Sainati, Gilles ; Schalchi, Ulrich

(2007)

(XX - SAI) --> étagère XX — Police ; Justice ; Prisons

La Fabrique, 2007. 112 p ; 20 cm.

ISBN : 978-2-91-337265-8

On a beaucoup écrit sur le « sécuritaire ». Tout en se plaignant de cette évolution de la politique d’État, certains pensent cette phase nécessaire. D’autres égrènent le catalogue des mesures répressives et sont surpris des atteintes renouvelées aux libertés, de la diminution de la sphère privée et croient encore qu’en votant pour tel ou tel candidat, leur sort en sera amélioré.

Tous ces questionnements existent et sont répertoriés, ils font débats. Mais l’analyse proposée dans ce livre se veut un peu plus radicale et démontre la chute rapide (dix ans) et programmée de pans entiers de l’État de droit. L’angle d’observation est celui de la disparition des notions mêmes de justice, de juste et de droit, en faveur d’un arbitraire bureaucratique qui sert une fraction de plus en plus étroite de la population.

« Tolérance zéro », pénalisation des comportements sous le vocable d’« incivilités », tatouage des populations à travers les fichiers informatiques, marquage génétique, inféodation de l’appareil judiciaire à un exécutif musclé... La diffusion de méthodes et de concepts parfaitement étrangers au raisonnement juridique vient pervertir l’institution judiciaire pour l’enrégimenter dans une vaste entreprise de maintien de l’ordre public où l’efficacité prétend faire litière des juridismes surannés. À une justice artisanale doit succéder une organisation précise, méthodique, efficace, dont les résultats sont comptables.

Diluée dans un vaste dispositif de concertation et d’action, la justice met finalement à la disposition de l’administration les pouvoirs de violation des libertés. Au nom de l’efficacité, il faut « décloisonner » les services, partager les informations et les savoir-faire, simplifier les procédures, fluidifier, être réactif, agir en temps réel, utiliser toutes les ressources de l’outil informatique. Ce faisant, on oublie seulement que l’efficacité n’est pas la justice, que le droit a justement pour fonction d’entraver l’efficacité du pouvoir, quelle que soit la légitimité du but poursuivi. Derrière cette décadence sécuritaire — qui, à partir de la justice, se diffuse dans tous les champs de l’État — emerge un projet politique qui passe par une limitation de plus en plus accrue des libertés publiques et individuelles, afin de maintenir une domination de l’élite sur le plus grand nombre. Cette politique se durcit et s’accélère du fait de la dégradation inéluctable des conditions de vie d’une masse humaine de plus en plus importante.

Au « tous ensemble » des altermondialistes répond le lugubre « attentifs ensemble » de vigipirate.

Ulrich Schalchli a été secrétaire général du Syndicat de la magistrature de 2001 à 2002.

Gilles Sainati est docteur en droit, magistrat depuis 1986, membre du syndicat de la magistrature, secrétaire général de ce syndicat de 1999 à 2001. Il a codirigé l’ouvrage collectif La Machine à punir, L’Esprit frappeur, 1996, et écrit de nombreux articles de réflexion sur la justice.


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