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En France, plus d’une femme sur trois est victime de violence !

juin 2000


C’est ce que révèle un questionnaire diffusé par le Centre national d’Information sur les Droits des Femmes entre décembre 1999 et mars 2000. Violence conjugale, viol, violence au travail (les femmes actives, salariées ou chômeuses, sont quatre fois plus nombreuses à se déclarer victime de violence), violence physique ou psychologique La violence que les femmes subissent est multiple.

Violence conjugale

C’est au sein de la famille que la violence s’exerce en premier lieu, sur les filles, les femmes ou les concubines. La femme appartient à l’homme. Lorsque celle-ci est ravalée au rang de bien, esclave sexuelle et domestique, il peut en user comme bon lui semble. S’il n’a plus légalement le droit de vie et de mort sur sa femme et ses enfants, dans les faits c’est encore trop souvent le cas. Chaque année des femmes meurent sous les coups de leur mari ou compagnon. La violence conjugale, bien que fort répandue, reste un sujet tabou. Le phénomène est parfois minimisé par des médecins, qui refusent de signer les certificats d’incapacité, par la police qui ne prend pas toujours ces situations au sérieux et bien souvent par les femmes victimes de violence elles-mêmes. Cette violence est tout autant physique que psychologique et revêt de nombreuses formes : coups et blessures, viols, menaces, climat de terreur, humiliation perpétuelle. A la violence s’ajoute la plupart du temps la dépendance financière et psychologique des femmes envers leur compagnon, dépendance que celui-ci entretient alors avec soin.

Les femmes victimes de violences conjugales, comme dans le cas du viol, sont toujours soupçonnées d’être plus ou moins responsables de ces violences. Ce qui n’est pas socialement admis, ce n’est pas qu’un homme soit violent, c’est qu’une femme se laisse faire : si elle reste auprès de son bourreau, c’est qu’elle « y trouve son compte ».

De l’insulte au viol

La violence que les femmes subissent, qu’elle ait lieu en famille, au travail ou partout ailleurs, revêt souvent un caractère sexuel, de l’insulte au viol. Le patriarcat transforme la sexualité en instrument d’oppression. Les femmes sont des proies, les hommes des prédateurs. Le vocabulaire sexuel en témoigne, et les analogies guerrières ou de chasse sont nombreuses : on ferre une femme, on la prend, on la saute... De toutes façons, elle est passive. Cette vision de la sexualité est encore renforcée par les clichés que véhicule généralement la pornographie. Celle-ci est de plus en plus répandue et facile d’accès. Les adolescents d’aujourd’hui y font leur apprentissage sexuel avec toujours les mêmes stéréotypes : ceux de la femme passive, objet prêt à consommer, toujours partante et sur laquelle on éjacule comme on lui cracherait dessus. Cet apprentissage de la sexualité qui ne peut se vivre autrement que comme une prédation violente crée un climat d’insécurité permanente pour les femmes. Dans la rue, dans le métro, au travail et même parfois chez des proches, refuser de répondre au désir des hommes, c’est s’exposer au minimum à l’insulte, au pire au viol ou au meurtre.

Pourquoi s’étonner alors que les viols soient si nombreux et, parmi eux, que les viols collectifs commis par des adolescents soient en augmentation ? On s’imagine souvent que le viol est le fait de pervers, de malades. Il s’agit au contraire d’un problème social : c’est la société qui crée les violeurs. Le viol n’est pas le résultat d’une pulsion sexuelle incontrôlée mais un instrument de domination. En prison par exemple, les prétendus forts, les caïds, violent les soi-disant faibles (jeunes, hommes « efféminés », homosexuels) pour leur signifier qu’ils sont au bas de la hiérarchie, pour les ravaler au rang de « gonzesse ». Ainsi, celui qui servira d’esclave sexuel au sein de la cellule sera aussi astreint aux taches ménagères.

La violence sur les femmes est physique, psychologique et surtout sociale. C’est bien le système qui la crée. La violence est à la fois une conséquence et un instrument du patriarcat. En France comme en Afghanistan, pour les femmes violées ou battues ici, lapidées là-bas, brûlées vives ou excisées ailleurs, il est des combats que l’on ne peut plus remettre à demain.

Anne TURLURE