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Toutes des putes... sauf maman !

juin 2000


C’est maintenant un vieux poncif : une femme est soit une mère soit une putain. Entre ces deux extrêmes, point d’existence possible !

La pute

Si l’oppression patriarcale est présente dans tous les domaines de la vie des femmes, elle devient particulièrement « palpable » en matière de sexualité.
Une femme n’est jamais considérée comme sujet de désir mais comme objet de désir. On ne lui reconnaît pas la possibilité d’être active dans son désir. Une femme qui manifeste celui-ci est une salope, une garce, une nymphomane Un homme qui présente les mêmes comportements est un Don Juan, un séducteur
Une femme n’a pas d’autres options que de se laisser solliciter, étant entendu qu’elle adore ça. Si elle s’avisait de dire non, elle deviendrait soit une coincée, soit une allumeuse. Si une femme a donné un signe d’assentiment ou si son attitude a été interprétée comme telle, elle ne peut plus faire marche arrière sans léser gravement l’homme. La situation inverse n’existe pas, il n’y a pas d’allumeur. Une femme violée est ainsi toujours plus ou moins soupçonnée d’être responsable de ce qu’elle a subi.

De même, ne pas « aimer les hommes » est pour une femme une terrible faute. Si les homosexuels hommes sont victimes d’hostilité parce qu’ils ne correspondent pas au modèle du mâle dominant, les lesbiennes sont victimes d’une plus grande violence encore car en tant que femmes, elles devraient être naturellement dévolues aux hommes.

La mère

Quand elle n’est pas un objet sexuel une femme ne peut avoir d’autre vocation que d’être mère (encore qu’il soit possible d’être les deux successivement ou simultanément). Une femme est censée s’épanouir dans la maternité. Si elle ne veut pas d’enfant, c’est qu’elle est anormale. Dans ce contexte, tout ce qui touche au contrôle des naissances est un enjeu de taille : il s’agit toujours de contrôler la sexualité et le corps des femmes.

La contraception et l’avortement sont des droits acquis de haute lutte, perpétuellement remis en cause par les intégristes de tous poils mais aussi par les « modérés ». Rappelons que seules les femmes occidentales ont la possibilité de recourir à des moyens fiables de contrôle des naissances. En France, de nombreuses inégalités perdurent. La contraception et l’I.V.G. restent quasi inaccessibles pour les mineures, les femmes sans papiers, celles qui sont sur la Sécu d’un mari qui ne veut pas en entendre parler et surtout celles qui n’ont pas les moyens. En effet, toutes les pilules ne sont pas remboursées (stérilets, diaphragmes, spermicides le sont encore moins), car l’on considère qu’il s’agit de médicaments de confort. Le Viagra va être remboursé.

L’avortement quant à lui reste un véritable parcours de la combattante du fait des délais bien trop courts, des innombrables embûches posées par les médecins et les personnels hospitaliers « à clause de conscience », ou tout simplement du manque criant de Centres d’I.V.G. publics. À noter que l’avortement n’est toujours pas légalisé en France, il est simplement dépénalisé, c’est tout dire.

Enfin il n’existe pas de contraception masculine, ce n’est pas que cela soit irréalisable, mais les laboratoires n’investissent pas dans ce domaine de recherche : les hommes ne se sentent pas concernés. Tout ce qui tient de la fécondité et de la reproduction est à la charge des femmes, une fois encore.

Anne TURLURE