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Voix sans issue

à gauche de la gauche de la gauche de la gauche, on tourne en rond

mercredi 9 novembre 2005


Après le 29 mai, rien n’a changé dans une gauche qui se résume à une division entre Fabius et Hollande, deux tendances du Parti Socialiste qui favorisent la sauvegarde des rapports sociaux actuels. Par rapport à l’immigration, gauche ou droite défendent la même chose : une Europe fermée à toute immigration. Ce n’est pas au travers de luttes de chefs - Fabius, Hollande ou autre - que l’on pourra sortir de l’impasse.

C’est dans les luttes sociales, sur le terrain des sans-papierEs par exemple, que la lutte collective continue de prouver toute sa justesse, que ce soit à Paris, à Tours ou à Lille. C’est dans la lutte contre les OGM (même si l’Etat a refusé la comparution collective des faucheurs volontaires), ou encore contre le travail obligatoire des RMIstes, que la désobéissance doit frayer son chemin.

La forte mobilisation du Non montre à quel point le mouvement social n’a à ce jour aucune perspective. Que ce soit sur le court terme ou le long terme, il ne propose aucune ébauche de projet de société et maintient continuellement une posture défensive vouée à l’échec. C’est sans doute le coeur du problème. En tant qu’anarchistes, il est vital de nous battre pour qu’à terme le mouvement social soit suffisamment porteur d’espoir et d’alternatives concrètes.

Ainsi nous pouvons espérer que la tentation de trouver des débouchés dans le système électoral n’aura même plus lieu d’être : la démocratie directe nous permettra de nous réapproprier nos vies. Mais pour le moment il semble plus simple de se rendre à l’isoloir que de lutter collectivement. Le collectif, voilà bien ce qui pèche aujourd’hui. C’est sans doute une grande victoire du capitalisme que d’avoir fait rentrer dans nos têtes que les seules issues sont d’ordre individuel : réussir ses études, avoir un bon job qui te mette à l’abri du besoin, et tant pis si les autres se font écraser. Au moins sauver sa peau... et voter de temps en temps, toutE seulE dans ce lieu que l’on nomme isoloir. Voter pour se rassurer, par acquis de conscience, voter pour que le grand méchant capitalisme mette un peu d’eau dans son vin, pour qu’il écrase un peu moins violemment la tête de mon voisin (et si possible épargne la mienne), voter sans y croire, surtout.

Il n’y a d’issue que collective

De toutes manières, les issues individuelles sont sans lendemain, parce qu’elles ne permettent pas de construire des solidarités, d’établir des rapports de force réels et durables contre le capitalisme, le racisme, le patriarcat, et toutes les autres formes de dominations institutionnalisées. Il ne faut pas oublier que ce que chacunE a acquis, le capitalisme l’a concédé face à des luttes collectives, et qu’il reprend plus vite qu’il ne donne.

Le référendum a-t-il construit des liens collectifs durables ? Nous ne le croyons pas. Devant notre incapacité à ébranler cette société pourtant bien pourrie, on n’a utilisé que les outils qu’elle met à notre disposition.
Certain-e-s seraient tenté-e-s de croire en la candidature des chefs auto-proclamés des mouvements sociaux aux postes électifs, en la recomposition de la gauche autour d’une figure altermondialiste censée changer la mise. Depuis quelques années, on observe un glissement vers l’électoralisme des organisations de mouvement social les plus connues. Voilà déjà deux ans que des leaders nationaux et / ou chefs charismatiques d’Attac, du DAL, d’AC !, de la confédération paysanne, de Solidaires ex-G10, du PC, des Verts, de la LCR, etc. négocient un candidat commun aux présidentielles de 2007 alors qu’aucun programme commun ne se profile : des noms mais toujours pas de projet sauf celui de prendre le pouvoir. Il est fort improbable que ces négociations (que la base de ces organisations n’approuve pas forcément) aboutissent à une éventuelle candidature altermondialiste qui fasse l’unanimité à la “gauche de la gauche”. Il n’en reste pas moins que l’objectif visé est tout à la fois d’influencer le programme du candidat du PS et de négocier des portefeuilles ministériels. Néanmoins le passé nous a appris que l’ajouts de personnalités de la société civile ne changera pas le cap “néo-libéral” et sécuritaire des partis gouvernementaux.

Voter c’est abdiquer

En donnant l’illusion qu’alternance signifie alternative, on essaie de nous faire oublier que voter en démocratie représentative c’est toujours se choisir de nouveaux maîtres. Pire encore, nombre d’associations protestataires renoncent à l’établissement d’un rapport de force sur le terrain pour satisfaire leur revendication, en misant presque exclusivement sur les échéances électorales. Plutôt que des luttes sociales, on assiste à des forums sociaux qui ressemblent étrangement à des meetings électoraux.

Si nous rejetons toute stratégie électoraliste, c’est aussi parce qu’elle est manifestement inefficace. Quelle que soit la teneur des négociations entre la gauche et « la gauche de la gauche », le principal parti de gouvernement dicte ses positions : malgré la présence des Verts au gouvernement de 1997 à 2002, la situation des sans-papiers s’est aggravée et l’industrie nucléaire est toujours florissante. Pendant cette période, par contre, la disparition des Verts dans les mouvements sociaux était évidente ! Et que nous promet le PS aujourd’hui ? Il suffit de se rappeler le récent rapport interne sur l’immigration établi par Malek Boutih (Le Pen a lui-même applaudi l’ancien président de SOS Racisme !), des discours ultra-sécuritaires des rabatteurs Manuel Valls et Julien Dray, ou d’observer les politiques locales “socialistes“ comme à Lille : “nettoyage” et “gentryfication” du centre-ville et des quartiers proches, expulsions des squats, stratégies marketing en guise de politiques culturelles (Lille 2004 ou 3000)...

Ne laissons personne penser, parler, agir à notre place ! Seule la lutte paie !