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Le Fakir

journal fâché avec tout le monde, ou presque

samedi 21 mai 2016


1999-....

Voir en ligne : http://www.fakirpresse.info

Ligne expliquée sur http://www.fakirpresse.info/qui-sommes-nous-930 (consultée le 21/05/2016 et datée du 15/02/2016) :

Notre ligne

Depuis le premier numéro, en 1999, cet avertissement s’affiche à la Une de notre canard.

C’est qu’on aime bien la castagne. Et qu’elle nous le rend bien : on passe notre temps au tribunal (contre un patron du CAC 40, un journaliste aux ordres, un politicien imbus). Tous gagnés, pour l’instant, les procès.

On les remporte, parce qu’on n’aime pas trop les éditos, ni les chroniques. Nos dossiers s’appuient sur des reportages, des recherches dans les archives. Ça prend du temps, de l’énergie, mais qu’est-ce qu’on ne ferait pas vos beaux yeux ? (Et vos euros…)

On n’aime pas trop « l’actualité », non plus. C’est « le bruit des vagues en surface », répète notre rédac’chef. « Nous, ce qui nous intéresse, il poursuit (un peu grandiloquent), c’est la réalité : le mouvement des plaques tectoniques en profondeur. » On a donc consacré des dossiers à l’intérim, à la psychiatrie, aux contrats emploi solidarité, à un accident du travail, à une salle de muscu dans un quartier popu. Ou même à « la métaphysique du tuning ».

C’est qu’on aime bien, enfin, cette variété, cette surprise. Que le lecteur ne sache pas trop sur quoi il va tomber au prochain numéro, ou même à la page d’après. Comme un cadeau surprise. Qu’on évite le côté « militant chiant », avec la litanie des violences policières, des sans-papiers maltraités, avec toujours les mêmes photos de défilé, de gens alignés à la tribune. Et tant pis si les purs et durs se plaignent de nos impostures, ou de nos papiers culs.

Bon, tous ces « On aime / On n’aime pas », ça fait pas une ligne bien droite. Plutôt tordue. Tant mieux ou tant pis.

Notre Histoire

En l’an de grâce mil neuf cent quatre vingt dix neuf, on mettait en page le premier numéro de Fakir. Le vieux PC ramait, ramait, ramait, ramait. Dès qu’on déplaçait un dessin, même d’un centimètre, il entamait des calculs infinis, le temps de boire un coup, de remonter, toujours pas fini, puis d’avaler une part de quiche lorraine, toujours pas fini, puis de nettoyer la vaisselle. C’est simple, rien ne fonctionnait, et nul mécène ne mettait du liquide dans les rouages. C’est que Fakir s’inscrivait, d’emblée, sous le signe de la lutte. Une lutte idéologique, obsessionnelle, contre un Journal des Amiénois qui se flattait de « voir la ville avec des lunettes roses » (JDA, été 99). Sabre au clair, la plume comme épée, les têtes de ses rédacteurs, de ses financeurs, tomberaient !

Mais avant ces gloires de papier, il fallait mener d’autres luttes, plus prosaïques, pour maquetter, imprimer, diffuser, et la ligne choisie, à notre grande surprise, n’attirait que modérément les investisseurs. Devant le numéro zéro, les banquiers se défilèrent avec une moue d’étonnement. Les commerçants ne se transformaient que rarement en annonceurs. La subvention promise de l’Université d’Amiens tardait jusqu’à l’annulation. Qu’importe : le dévouement remplaça l’argent. Le premier tirage fut ainsi agrafé à la main, jusqu’au crampes, par notre ami (ultralibéral et biélorusse) André et une étudiante lituanienne, main d’œuvre étrangère et bénévole...
Un pet dans le coquetèle

Fakir a débarqué, sans le savoir, sans le vouloir, sans se proclamer ni anarchiste ni libertaire ni rien, comme un chien fou dans un jeu de quilles institutionnelles. Dans le concert des politesses et des amabilités réciproques, notre premier numéro et les suivants ont résonné comme un coup de pistolet. Comme un prout sonore dans un coquetèle. Des malotrus, nous étions. On nous promettait, à la fac, des trente, quarante, cinquante mille francs de subventions, jusqu’à ce que l’engouement fléchisse : « Votre journal rappelle les plus mauvais temps de la collaboration ». « Les plus mauvais temps de la collaboration » ? Le jury, national, d’anima’Fac en jugea autrement : pour le même numéro, nous reçûmes un chèque de 8 000 F et le prix de « l’Esprit Civique »...

Le noyau doux

Sitôt le premier numéro paru, des bonnes volontés se sont signalées. Un noyau plus doux que dur, assemblage hétérodoxe de laïcards anars et de chrétiens sociaux, individus en rupture de parti, de syndicat ou d’église, chapelle où la nonne défroquée voisine avec le bouffe-curé. Les débats s’enlisèrent parfois, des portes claquèrent bien sûr, mais plutôt rarement, somme toute, dans une presse alternative accoutumée aux psychodrames et aux scissions. La ligne éditoriale, dogmatique, était rabâchée : des faits sociaux locaux, il nous fallait. Pas des éditoriaux. On ne prenait pas la parole, on la donnait d’abord : aux anonymes, à ceux, ouvriers, employés, stagiaires, etc, qui, dominés dans l’existence, sont ignorés dans les médias. On devait parler à nos amis de nos voisins, en gros, et pas d’article sans une modeste enquête.

Mais c’est la distribution, plus que la recherche d’informations, qui bouffait alors nos énergies : à quoi bon un journal si, mal diffusé, sans publicité, il n’est pas lu ? Il fallait vendre, donc, les mains dans le cambouis. Vendre à la sortie de la Macu (Maison de la culture), dans les bars, au Resto U, dans les couloirs du campus, vendre des abonnements, vendre par téléphone, vendre cinq, dix, vingt exemplaires à des enseignants qui revendraient dans leur collège et lycée, vendre au marché de Noël, des moufles au mains, devant des passants à l’indifférence méfiante où se devine la quintessence du tempérament picard... Une fièvre commerciale, nécessaire.

Un baroud qui dure

Si l’aventure fakirienne s’est inscrite dans la durée, c’est que le projet est devenu collectif, a trouvé mille bonnes volontés sur qui s’appuyer pour les illustrations, la mise en page, la diffusion, la logistisque... C’est grâce à eux. Grâce à des petits courriers aussi, reçus par la Poste avec des bulletins d’abonnements. Grâce à tous nos lecteurs, qui ne se dénombrent pas par millions, non, mais qui augmentent et dont on éprouve chaque jour, presque, la force de l’attachement à notre journal, et ça compte plus que l’audimat.