Accueil > archéologie:alternataire > La Sociale (2002-2012) > 32 (février 2011) > Les Dépossédés, Ursula Le Guin

Les Dépossédés, Ursula Le Guin

1974. Science-fiction & anarchisme

lundi 21 février 2011


En général dans La Sociale seuls les
ouvrage d’analyse politique récents sont
chroniqués. Cette fois c’est un classique de la
littérature anarchiste (vieux de plus de 30
ans !)

Les Dépossédés, bouquin de science-fiction,
nous fait suivre les aventures d’un scientifique
qui quitte sa planète et sa société, parce que
son travail de recherche y est considéré comme
inutile voire nuisible. Il part pour la planète la
plus proche, dans une société complètement
différente, qui l’honore pour son travail et où il
espère trouver des conditions plus favorables
afin de le continuer. Mais le souvenir de sa
société, présenté aulà lecteurice en sandwich
avec ses aventures dans la nouvelle, le
poursuit.

Présenté comme ça, ce n’est pas
vraiment séduisant. En tout cas pas pour un-e
amateurice de science-fiction. Ce qui rend le
bouquin excellent, ce qui fait qu’il a des
chances de passionner une personne qui
s’intéresse à l’anarchisme, c’est la qualité de la
description de la vie du héros sur la première
planète Anarres. Ursula Le Guin, un chapitre
sur deux, invente sa vie de la petite enfance à ce
qui l’amène à partir, dans une société qui
couvre toute une planète, aux principes
proches d’un anarchisme. Peut-être pour
rendre les choses plus crédibles, elle passe
beaucoup de temps sur les difficultés qu’il y a à
vivre sur une planète collectivisée. Une société
où l’"égotisme" (égocentrisme ? égoïsme ?) est
considéré comme un très grave défaut, le fait
de conserver des choses pour soi comme une
déviance, l’installation dans une zone où l’on
n’a pas la possibilité de travailler, comme une
charge imposée à la communauté. Pour ce
dernier point, il faut savoir que la planète est
très aride et que même la nourriture est rare.

L’autre partie alternée du bouquin
raconte les aventures du héros, qui, arrivé sur
la planète Urras, ne veut ni trahir ses principes
politiques, ni Anarres. Urras fait face à Anarres
et Ursula Le Guin la décrit comme hyperfertile,
accueillant à première vue – et dans
l’esprit des Anarres – une société d’abondance.
Là, les habitant-e-s semblent libérées des
difficultés de l’approvisionnement ; la parole,
libre ; l’environnement scientifique qui
intéresse avant tout le héros, stimulant. Mais la
société est hiérarchisée, le pouvoir réparti
inégalement entre les plus riches et les plus
pauvres, l’activité scientifique dirigée par des
motifs troubles.

Que va devenir notre héros ?! Tadaa...

Ursula Le Guin, inspirée notamment
par l’anthropologie, le féminisme et
l’anarchisme, est principalement connue pour
ses deux cycles - L’Ekumen et Terremer. Le
premier est du registre de la science-fiction et
Les Dépossédés en fait partie. Tous les romans
du cycle prennent place dans un univers de
planètes aux évolutions diverses, visitées et
transformées par des envoyé-e-s d’autres
civilisations. Dans ce cycle, les meilleurs sont
peut-être La Main Gauche de la Nuit, Les
Dépossédés, Le Dit d’Aka et Le Nom du Monde
Est Forêt. L’anniversaire du monde est un
excellent recueil de nouvelles se déroulant
dans le même univers. Ursula Le Guin prend le
temps, comme dans d’autres romans, pour
décrire des sexualités et des rapports
amoureux assez différents du couple hétéro
exclusif. L’autre cycle – "Terremer" -, propose
du médiéval-fantastique plus classique, avec
dragons, magicien-ne-s et sorcièr-e-s, mais
aussi rois, reines et Archimages. Goro
Miyazaki en a fait un film d’animation.