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Bas les Masques ! Feu aux Fafs !

vendredi 13 mars 2009


Pourquoi un article sur l’anti-fascisme, nous direz-vous ? Pourquoi aujourd’hui ? Y a t-il une urgence particulière ? Peut-être. Ou peut-être pas. Toujours est-il que quand on a vu les fachos recommencer, ici ou là, à venir pointer leur nez menaçant en marge des manifs, ou carrément à opérer des descentes dans les lieux d’activités libertaires, on a décidé de rappeler quelques petites choses. Pas question pour nous de les laisser surfer sur les mécontentements nés de la “crise”, ou de les laisser répandre leur stratégie de la tension communautaire. L’imposture de “l’alternative” autoritaire et xénophobe est à jeter en même temps que le système qui l’a engendrée.

Aussi vieux que le vieux monde

“Tout pour l’État, tout par l’État, rien hors de l’État”. Voilà la formule qu’utilisait Mussolini pour qualifier le régime italien qu’il a dirigé de 1922 à 1945. Les fantasmes des fachos de tous poils sont toujours aussi poussiéreux : mise en place d’une société entièrement policée, exacerbation du mythe national et autoritarisme d’Etat, souvent lui-même incarné par le culte du chef. Pas beaucoup de place pour la liberté et l’émancipation individuelle là-dedans : le fascisme se confond souvent avec l’idée de dictature. Le fascisme est une idéologie totalitaire qui ne conçoit l’individu que comme un petit soldat au service de l’Etat tout puissant. Car en guise de “collectif” ou de “société”, il n’y a pour eux rien que l’Etat, cette structure de domination et d’aliénation du social qu’il sera bon, un jour, de mettre à bas en même temps que les classes dominantes dont il véhicule l’intérêt à travers l’Histoire.

Voilà pour la partie historique. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Ceux que nous appelons aujourd’hui “les fachos” ne semblent pas, du moins, en apparence, revendiquer une quelconque affiliation à l’Italie de Mussolini. C’est que les fascismes ont été et demeurent protéiformes. Qu’ils se déguisent sous les traits d’une extrême droite dite “politique”, qu’ils revêtent l’allure folklorique d’”identitaires” (flamands, celtes ou crétins peu importe), qu’illes se réclament franchement du nazisme ou flirtent avec l’intégrisme catholique, les “fachos” sont pour nous ces irréductibles ennemiEs des libertés individuelles (celles des étrangerEs, des femmes et des homosexuelLEs avant toutes choses) et des tentatives d’émancipation sociale. Et le pire, c’est que leur idéologie, qui n’apparaît jamais pour ce qu’elle est vraiment, contamine aujourd’hui dangereusement la pensée politique et médiatique. La nécessité toujours plus accrue pour le pouvoir politique de déclarer l’état d’urgence et de trouver des boucs-émissaires à mesure que le capitalisme dispense ses ravages anti-sociaux, n’y est pas pour rien. En fin de compte, nous voilà avec un Etat qui se félicite d’expulser 30.000 personnes par an (et parfois vers la mort), qui criminalise les mouvements sociaux, quadrille la voie publique de 60.000 caméras, impose la marseillaise dans les écoles, et multiplie les mesures liberticides de “veille de l’opinion” ou autres “procédures anti-terroristes [de moins en moins] exceptionnelles”. La lepénisation des esprits n’est malheureusement pas qu’un slogan. A l’heure actuelle, force est de constater que le front national n’a plus le monopole du fonds de commerce populiste et xénophobe.

Ne pas se tromper d’ennemi

De la contamination idéologique à la menace physique, il n’y a malheureusement qu’un pas. En décembre dernier, face à l’explosion du mécontentement de la génération « 700 euros » dans les rues grecques, là où la police se repliait, les fachos débarquaient, arméEs par la maréchaussée elle-même. Le 24 février dernier, dans le quartier d’Exarcheia, foyer de la révolte de la jeunesse grecque, des personnes “inconnues” ont lancé une grenade à main contre le refuge des migrants. L’attaque n’a pas fait de victimes, uniquement grâce à la chance incroyable que la grenade n’a pas réussi à traverser le double vitrage et a rebondi pour exploser à l’extérieur, juste devant le bâtiment. Cette attaque para-étatique fait partie d’une tentative plus large du pouvoir de frapper en retour, après les révoltes de Décembre. En Italie, ce sont des milices de “citoyens volontaires” qui arpentent les rues à la tombée de la nuit dans plusieurs grandes villes.

Tout cela n’est pas nouveau : les fachos sont toujours venuEs casser les grèves ouvrières et servir de relais aux bras armés de l’Etat. Méfions-nous cependant lorsqu’illes revendiquent des allures de “rupture”. La pensée fasciste n’est ni politiquement, ni socialement une idéologie révolutionnaire, et encore moins anti-capitaliste. Les fachos sont les partisans d’un capitalisme d’Etat, où le droit du travail est battu en brèche et l’expression des mécontentements sociaux muselée à coups de matraques. Malheureusement, l’Histoire leur a déjà trop de fois laissé leur mot à dire. Cette version nationaliste du capitalisme demeure en effet bien pratique quand il s’agit de sauvegarder en dernier recours les intérêts de la bourgeoisie : Hitler et Mussolini ne s’y sont pas trompés.

Hommes de main du patronat, les fachos sont aussi fascinéEs par la police et l’armée pour lesquelles ils s’engagent à l’occasion. Il n’est désormais pas rare de découvrir dans la presse locale que tel élément de la maison poulaga est un faf : la pratique routinière de l’arbitraire et de la violence en uniforme y aidant. Fin 1999, un ancien commando de l’armée US, incite ses camarades néonazis à s’engager dans l’infanterie, pour “la formation d’excellence” qu’on y reçoit. Au cours de ces dernières années, des milliers de fascistes et suprématistes blancs ont revêtu l’uniforme de fantassin américain. Aujourd’hui, les murs de Bagdad sont recouverts de graffiti d’Aryan Nation, et l’on se vante sur internet d’avoir tué des “nègres des sables”.

Agir pour des changements radicaux

Récemment, les fafs ont profité de la guerre à Gaza pour tenter de nous refaire le coup de la tension inter-communautaire. Inscriptions antisémites et croix gamées sur la synagogue de Lille début janvier, incendie d’une mosquée à Colomiers fin novembre. En l’occurrence, les tromperies médiatiques présentant la guerre à Gaza comme une guerre “civilisationnelle” leur avaient pré-mâché le boulot. En brouillant ainsi les pistes, il ne reste souvent plus dans les têtes qu’une funeste opposition entre juifs et musulmans, là où les libertaires ont toujours dénoncé les logiques étatiques de colonisation à l’œuvre en Palestine. Et c’est toujours ainsi. C’est en en appelant à des découpages fantoches de la société que l’on parvient à déformer la contestation sociale en oppositions “culturelles”… un véritable nectar dont s’abreuvent les nationalistes de toutes provenances.

D’une manière ou d’une autre, et tant qu’il existera des Etats et de la misère, il existera des factions au sein de la bourgeoisie qui tenteront de monter les populations les unes contres les autres. Le capitalisme est une plaie, l’Etat et le nationalisme en sont une autre, et leurs attaques à l’encontre du monde social constitueront toujours un terreau favorable à l’émergence de visées réactionnaires.

Nous pensons pour notre part que c’est au mouvement social de regagner du terrain, pour que cessent les déserts militants dans nos campagnes et nos villes, pour que partout nos luttes s’ancrent dans le quotidien. Dès aujourd’hui, lutter contre le fascisme c’est choisir son camp dans les combats pour une transformation en profondeur de la société : sans Etat ni patronNEs, sans hiérarchie, pour l’égalité économique et sociale de touTEs et pour une fraternité internationale. Pas question de faire un seul pas en arrière quant à nos aspirations à plus de liberté et d’égalité, en-dehors de l’Etat et contre l’Etat. Et si une quelconque nécessité l’exige, nous saurons toujours nous défendre contre l’agression fasciste.