D’autres ouvriers auraient pu écrire cette chronique de la chaîne à Peugeot-Sochaux, que j’ai signée du pseudonyme de Marcel Durand pour ne pas m’approprier cette mémoire collective. Je prenais des notes à l’occasion d’événements marquants : prises de gueule avec le chef, rigolades entre collègues, débrayages, grèves. Je voulais garder une trace de cette vie à la chaîne, décrire l’ambiance du travail. Pour moi. Pour les copains de galère aussi. Pour faire une sorte d’album de famille de la dizaine de vrais copains de la Carrosserie.
Huit heures par jour au boulot, ce n’est pas rien. Même si on résiste, la chaîne déteint sur nous. En ville, on continue de courir comme si on était toujours à s’agiter autour des carcasses de bagnoles. On parle fort parce que les machines ne s’arrêtent jamais de nous vriller les oreilles. On laisse des plumes au boulot. Plusieurs copains y ont laissé leur peau.